Il s'agira, pour rendre opérationnelles, de telles mesures d'avoir des informations et des réseaux d'information fiables et transparents connectant notamment la douane, la fiscalité, les banques et de nouveaux mécanismes de régulation tant au niveau central que local des entreprises puisque les walis sont en charge de bon nombre de projets. Sans la confiance, devant tenir compte de l'anthropologie culturelle, fondement de tout management stratégique, la majorité des ménages et des opérateurs préféreront toujours le liquide. Sans cela, il faut également s'attendre à des effets mitigés malgré toujours des intentions louables. Comme pour les deux projets de lois relevant du domaine du commerce adoptés à l'APN le 12 juillet 2010 relatifs aux textes amendant et complétant les anciennes législations énumérées dans la loi 05-02 du 23 juillet 2004 liées aux pratiques commerciales et celle du 19 juillet 2003 relative à la concurrence, mettant en avant la nécessité d'une intervention plus efficace des pouvoirs publics à travers, notamment, les mécanismes de contrôle dont dispose le ministère du Commerce afin de limiter les effets de la spéculation sévissant dans le domaine de la pratique commerciale. En effet, la difficulté d'appliquer cette mesure réside en le fondement de la sphère informelle ne pouvant isoler celle-ci de la sphère monétaire avec la dominance en Algérie des institutions et des pratiques informelles. C'est que le marché de la contrefaçon gangrène l'économie algérienne puisque, selon certaines estimations, un tiers des produits vendus en Algérie sont contrefaits. Et tous les secteurs sont touchés (tabac, cosmétiques, habillement, électroménager…), mais aussi des domaines beaucoup plus sensibles comme les pièces de rechange automobile, la moitié contrefaite mettant en danger les automobilistes. Les chiffres en Algérie, faute d'enquêtes précises, sont les plus contradictoires : 40 à 50 % de la masse monétaire en circulation hors banques (avec une intermédiation financière informelle limitant la politique monétaire globale de l'Etat), mais beaucoup plus si l'on inclut les transactions en nature. Il faut reconnaître que cette sphère informelle joue actuellement en Algérie avec la cellule familiale de tampon social. En matière d'emploi, la part qui revient à l'économie informelle, le taux annoncé par le ministère du Travail à la fin de 2009 est de plus de 25% de la population active avec une contribution dans la formation du PIB (produit intérieur brut) hors hydrocarbures de 20 à 25%. Une enquête menée par le CREAD (Centre de recherche en économie appliquée pour le développement) révèle que sur 7.500 PME, 42% des effectifs ne sont pas déclarés et 30% de leur chiffre d'affaires échappent au fisc. Concernant justement l'évasion fiscale due à la sphère informelle, pour l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), dans une déclaration du 19 mai 2009 reproduite par l'agence officielle APS, le manque à gagner induit par l'évasion fiscale dans les transactions commerciales en Algérie dépasse 200 milliards de dinars annuellement, soit au cours actuel 2,6 milliards de dollars, tout en précisant que 80 % des transactions commerciales se font sans aucune facturation, alors que 70 à 80 % des transactions sont faites en cash. Et que près de 900 000 sur le 1,2 million de commerçants inscrits au Centre national du registre du commerce ne payent pas leurs cotisations sociales et que l'approvisionnement des deux tiers de la population provient de la sphère informelle. Il en est de même de la dualité du dinar sur le marché parallèle et le cours officiel. Cela a des incidences donc sur le pouvoir d'achat de la majorité des citoyens car cette sphère contrôle quatre segments clés : ceux des fruits et légumes, de la viande, du poisson pour les marchandises locales et pour l'importation, des textiles et des chaussures. Or, selon l'enquête de septembre 2007 du CNAEP, 70% des revenus des ménages algériens vont aux besoins essentiels. S'agissant non pas de prendre des agrégats globaux de peu de significations pour toute politique socio-économique concrète, mais d'analyser les liens entre l'accumulation, le modèle de consommation et la répartition des revenus par couches sociales avec l'inflation de retour jouant comme vecteur de concentration des revenus au profit des revenus variables avec le nivellement des couches moyennes utiles et non rentières vers le bas, taux de 2% en 2006, 3% en 2007, 4% en 2008, plus de 5,7% en 2009 et 5,4% en 2010 en glissement annuel , toujours selon les statistiques du 15 juillet 2010 de l'ONS. Pour 2009/2010, selon nos enquêtes par échantillonnage, 80% du revenu moyen est consacré aux produits de première nécessité et donc s'adressant à la sphère informelle, impliquant d'ailleurs la révision de l'indice des prix de l'ONS qui semble être sous-estimé car le besoin est historiquement daté : nouveaux besoins durant chaque phase historique. Comme se pose cette question : avec ce retour à l'inflation et la détérioration du pouvoir d'achat de la majorité de la population, en supposant que la production locale existe, cette dernière pourra-t-elle être écoulée sans le recours au crédit à la consommation qui a été supprimée dans la loi de finances complémentaire 2009 ? III - Certaines dispositions de la loi de finances complémentaires 2010 Elles sont liées aux mesures précédentes et concernent, notamment, l'interdiction de l'importation de certains produits finis produits localement, de l'importation des déchets ferreux, de l'imposition de plusieurs taxes sur l'importation de différents équipements, par exemple la taxation des véhicules touristiques neufs, décidée par la loi de finances complémentaire 2008, élargie aux grosses cylindrées en 2009 et dans la loi complémentaire 2010 prévoyant des taxes variant entre 5 et 70 millions de centimes pour l'acquisition de 47 véhicules utilitaires, de transport de voyageurs et motos, de camions, des taxes variant entre 30 et 70 millions de centimes selon leurs caractéristiques techniques, pour les bus neufs entre 15 et 30 millions de centimes selon la capacité, à partir d'une dizaine de places et une taxe sur l'importation de blé dur d'un montant de 2 500 dinars le quintal. Il s'agit d'obliger les meuniers à s'approvisionner en blé produit localement et fait unique dans les annales de l'économie algérienne depuis 1963 où l'on a nationalisé les bains maures, la loi de finances complémentaire pour 2010 permettrait à l'Etat de «nationaliser», les locaux commerciaux ou professionnels, tant publics que privés, non exploités depuis une année s'attaquant au droit fondamental de la propriété privée contenue dans la Constitution. Pour autant, ces mesures semblant inopérantes dans la mesure où l'informel sévit et manque d'être combattu efficacement, vont-elles permettre effectivement d'encourager la production locale et de préparer l'ère hors hydrocarbures ? Je rappelle que les deux fondamentaux du XXIe siècle pour l'épanouissement de l'entreprise créatrice de richesses durables, les infrastructures, certes nécessaires, n'étant qu'un moyen alors qu'ils absorbent plus de 70 % de la dépense publique (2004-2014) sont la bonne gouvernance et la valorisation du savoir. Supposant qu'elles reposent sur une plus cohérence et une visibilité dans la politique socio- économique, évitant l'instabilité juridique perpétuelle qui décourage tout investisseur et sur l'innovation permanente pour résister à la concurrence et avoir le couple coût/qualité compétitif. (A suivre)