Lors des auditions la fin de la semaine écoulée de plusieurs personnes impliquées dans différentes affaires de malversations dans la gestion d'une dizaine de communes de la wilaya d'ElTarf, de l'Assemblée populaire de wilaya et des agences foncières, les magistrats chargés de l'instruction du dossier ont déniché un incroyable fromage. S'y gobergeaient élus, cadres gestionnaires, fonctionnaires, chefs d'entreprises privées et agents d'exécution. Au fil des investigations judiciaires, sont apparus des trafics à grande échelle à l'origine des gaspillages, dilapidations, carences, dysfonctionnements, détournements, trafics d'influence, dépassements, abus de pouvoir et d'autorité dans la gestion des affaires de la wilaya, des communes et du portefeuille foncier. Tous ces faits figurent dans le rapport d'enquête établi par le conseil de gestion, mis en place par le directeur de l'exécutif avec pour mission de situer les responsabilités des uns et des autres. Il n'offre qu'un mince aperçu des perles dont ce dossier est truffé. C'est le cas des terrains à bâtir attribués sous des prête-noms, généralement des proches et par affinités pour être ensuite revendus. Sur le rapport en question, figure une longue liste de bénéficiaires de marchés publics, terrains à bâtir, logements sociaux, locaux commerciaux, biens vacants… Ce sont principalement de gros pontes locaux, hauts fonctionnaires et leur progéniture. On y découvre aussi comment des biens vacants ont été transformés en biens personnels et comment, en toute irrégularité, d'anciens élus des deux chambres hautes, de l'Assemblée populaire de wilaya et d'une grande majorité de communes ont abusé de leur position pour accaparer des biens de l'Etat. Même le recrutement, dans le cadre des dispositifs du ministère du Travail et celui de l'Action sociale ainsi que la formation des personnels n'ont pas été épargnés par ce qui s'apparente à une mise à sac tous azimuts de la wilaya. Dans ce dossier, reviennent constamment quatre ou cinq noms de décideurs locaux qui, non contents de dépecer le foncier et les biens vacants, s'attribuaient des indemnités mensuelles forfaitaires et autres frais pour des missions fictives. Mais ce n'est pourtant pas grand-chose au regard de l'émoi des gendarmes, policiers et des magistrats d'El-Kala, El-Tarf et Dréan sur la gestion du foncier et des mines (sablières) ainsi que les atteintes au domaine maritime. Dans le rapport, il est implicitement dit que jusqu'à 2008, la gestion de la wilaya était déréglée par une répartition imprécise des compétences et par l'absence de toute transparence dans le fonctionnement des institutions. Cette situation a permis aux anciens élus et responsables d'administrations de s'enrichir en un temps record. L'instruction de ce volumineux dossier judiciaire se poursuit toujours. Elle a abouti, la semaine écoulée, à la mise sous mandat de dépôt de 6 anciens responsables et élus dont un président d'Assemblée populaire de wilaya devenu milliardaire. Selon des indiscrétions, un ancien sénateur devrait être judiciairement inquiété, voire même faire l'objet d'une citation à comparaître à titre d'accusé. Une dizaine de P/APC, issus des précédents collèges, chefs d'entreprises privées, sont sur la sellette. Selon des sources judiciaires proches de ce dossier, la mise en détention préventive de plusieurs d'entre eux n'est pas à écarter, au regard des preuves matérielles accablantes de leur implication directe. En fait, pour le commun des citoyens, cette affaire qui intervient après celle dite du wali d'El Tarf, devrait réduire un tant soit peu la rapacité de ceux qui se font élire ou désigner à des postes de responsabilités avec pour objectif de s'enrichir rapidement. Wilaya frontalière avec la Tunisie, à vocation agropastorale et surtout touristique, El Tarf est certainement la région la moins développée du pays. Et pour cause, la compromission et la corruption s'y sont installées. Elles avaient pour principaux animateurs des responsables et élus qui n'avaient d'autre préoccupation que celle de s'enrichir rapidement.