Le gouvernement continue sa politique de rattrapage des tarifs de l'électricité. Mardi, il a annoncé avoir saisi la Commission de régulation de l'énergie (CRE) d'un projet d'arrêté prévoyant une hausse des tarifs réglementés de 3,4 %. L'augmentation sera de 3 % en moyenne pour les particuliers de 4 % pour les petites entreprises, de 4,5 % pour les PME de 4,5% et de 5,5 % pour les grandes entreprises. Nous republions après ces annonces un article de Gilles Bridier du mois dernier annonçant une hausse inévitable et continue des prix de l'électricité. «Quand on veut la lune, on demande les étoiles», ironisait la ministre de l'Economie Christine Lagarde en juillet 2009 lorsque l'ancien patron d'EDF, Pierre Gadonneix, avait réclamé une hausse des tarifs de 20 % sur trois ou quatre ans. L'Etat, c'était certain, ne laisserait pas tondre les consommateurs! Gadonneix, en fin de mandat, signait son éviction. Un an plus tard, le sujet revient dans l'actualité, par deux entrées différentes... et pas des moindres. D'un côté, les directions d'EDF qui ne s'aventureraient sur un champ de mines si leur président Henri Proglio, le très critique successeur de Gadonneix, ne leur avait auparavant balisé le terrain. De l'autre, la très respectable Commission de régulation de l'énergie (CRE) qui considère que la réforme du marché de l'électricité en cours de discussion au Parlement devrait engendrer une augmentation de 25 % des prix en cinq ans. D'inéluctables hausses de tarifs S'agissant des techniciens d'EDF, l'explication est simple: la hausse des tarifs est dictée par les investissements à consentir pour assurer la maintenance du réseau électrique, développer les énergies renouvelables et construire de nouvelles tranches nucléaires (à Flamanville et Penly). Pour la CRE, cette hausse découlera tout simplement de la nouvelle organisation du marché que l'Assemblée nationale doit bientôt adopter après dix-huit mois de débat. Jean-Louis Borloo, le ministre de l'Ecologie et de l'Energie, a beau vouloir rassurer l'opinion publique en affirmant que la réforme ne fera pas grimper les prix, il ne convainc personne. Il y a belle lurette que le discours politique sur le prix de l'énergie a perdu toute crédibilité comme le démontre à nouveau l'imprudente tirade de Christine Lagarde jugée à l'aune du débat actuel. Qui, de l'ancien président d'EDF ou de la ministre, avait la tête dans les étoiles? Les erreurs à répétition des hommes politiques Déjà avec la libéralisation du marché de l'énergie du 1er juillet 2007, il était évident que les hommes politiques de la majorité qui poussaient à la déréglementation n'avaient pas saisi la spécificité du marché français de l'énergie, avec une électricité aux trois quarts nucléaire produite par l'entreprise publique à meilleur prix que l'électricité d'origine thermique des concurrents privés. Alors que l'introduction de la concurrence a pour fonction de faire baisser les tarifs, on ne pouvait en l'occurrence qu'assister au phénomène contraire ! C'est ce qu'il advint. Il fallut très vite que les mêmes députés détricotent la réforme en construisant à la hâte une usine à gaz afin que les consommateurs qui s'étaient laissés bercer par les sirènes de la libéralisation des prix puissent réintégrer le système des tarifs réglementés. Car, quoi qu'en dise la Commission européenne toute à son application dogmatique des grilles de déréglementation, la France avec ses tarifs réglementés arrivait en très bonne position en Europe comme l'a montré une étude Eurostat de juillet dernier. Le prix hors taxes (9,31 euros/100 kWh dans le secteur domestique et 5,61 euros/100 kWh dans le secteur industriel) était le plus bas d'Europe des 15 au deuxième semestre 2008. Et même toutes taxes comprises, le prix de l'électricité en France correspondait à 73% de la moyenne de l'Europe à 27 dans le domestique, et à 60% seulement dans l'industriel. En outre par rapport à l'Allemagne, les prix français TTC étaient inférieurs de 40% à ceux pratiqués outre-Rhin. EDF devra raboter ses prix pour fournir ses concurrents Les tenants d'une libéralisation pure et dure n'ont pas baissé les bras pour autant. Et comme les opérateurs alternatifs ne parviennent pas à produire ou à trouver une électricité moins chère que celle d'EDF, ils ont convaincu les députés d'obliger EDF à leur céder une partie de sa production. C'est l'objet de la loi Nome (nouvelle organisation du marché de l'électricité) qui contraindra EDF à leur vendre jusqu'à 25 % de sa production d'électricité d'origine nucléaire. La logique n'est pas très évidente: pour permettre à ses concurrents d'exister alors qu'ils n'y parviennent pas par eux-mêmes, EDF devra leur céder de l'énergie à des conditions avantageuses. Juste une question de principe...