Une constatation s'impose tant dans le Coran que dans les nouvelles prophétiques et les différentes traditions : le Prophète Abraham – sur lui la Paix de Dieu -, en inaugurant un nouveau cycle historique humain, reconstruisit, avec son fils, le Prophète Isamaïel – sur lui la Paix de Dieu – le Temple de La Mekke, appelé alors Bakka. Selon des récits remontant, pour la plupart, à des Compagnons du Prophète (QSSSL) ou de la génération suivante, récits qui sont ce qu'on appelle des Israïliyyât – c'est-à-dire des récits transmis sans filiation faisant autorité, par des juifs convertis à l'Islam – Adam (Que la Paix soit sur lui) évolua avec Eve, son épouse, dans ce même territoire où se fit le Pèlerinage d'Abraham et de son fils Ismaël (Que la Paix soit sur eux) et où il se fait actuellement. La plupart des informations qui nous sont ainsi parvenues à ce sujet sont trouvées dans les premiers commentaires du Coran et dans certains récits concernant les Prophètes respectifs. Nos sources sont donc pour l'essentiel : - Le grand commentaire coranique de at-Tabarî (Abû Ja'far Mohamed Ibn Jarîr), intitulé : Jâmi ‘al-Bayân fi Tafsîr al-Qur'ân. - Du même auteur, Ta'rîkh ar-Rusul wa-I-Mulûk, (Histoire des Messagers et des Rois.) - Al-Azraqî (Mohamed Ibn ‘Abd Allah) : Akhbâr Makka, Histoire de La Mekke - Tha ‘labî dont le nom exact est : Ishâq Ahmad Ibn Mohamed Ibn Ibrâhîm an-Nîsâbûrpi. Qisâs al-Anbiyâ', (Récits sur les Prophètes) - Ismâ ‘îl Haqqi, Tafspir Rûh al-Bayân. - Selon deux nouvelles prophétiques transmises respectivement par Abû Sharîh al-Khuzâ'ie et Ibn ‘Abbâs, le Messager de Dieu – sur lui la Grâce et la Paix – émit les propos suivants au moment de la prise de La Mekke : «Certes, Allah a rendu sacrée La Mekke, le jour où Il créa les Cieux et la Terre. Aussi est-elle sacrée par le caractère sacré même de Dieu, jusqu'au Jour de la Réssurection. Il n'est alors licite pour aucune personne ajoutant foi en Dieu et dans le Jour Ultime d'y répandre le sang et d'y abattre des arbres … » «Cette ville est une Enceinte sacrée qu'Allah a sacralisée le Jour où Il créa les Cieux et la Terre, le Soleil et la Lune, et où Il établit les deux monts qui surplombent La Mekke nommés al-Akhshab, depuis Elle n'a jamais été désacralisée pour personne avant moi et ne le sera pour personne après moi… ». - ‘Abd Allâh Ibn ‘Amru précise : «Alors qu'Allah fit descendre Adam hors du Jardin paradisiaque, Il lui dit : «Avec toi, je ais faire descendre un Temple (bayt) autour duquel on circulera comme on le fait autour de Mon Trône et près duquel on fera des actions de Grâce unifiante comme on le fait près de Mon Trône… ». ‘Atâ Ibn Abî Rabâh ajoute que «quand Allâh fit descendre Adam du jardin, ses pieds touchaient la terre et sa tête le ciel. Adam écoutait les propos et les suppliques des êtres du ciel par l'affinité qu'il gardait avec eux. Les anges éprouvèrent du respect pour lui au point de s'en plaindre auprès d'Allah dans leurs invocations et leurs actions de Grâce. Dieu l'abaissa alors jusqu'à Terre. Lorsqu'Adam fut incapable de les entendre, il pâtit de solitude et s'en plaignit à Dieu dans ses invocations et ses actions de Grâce. Il partit vers La Mekke. Là, où il posait les pieds une cité s'élevait et la distance entre ses pas était une zone désertique. Il en fut ainsi jusqu'à son arrivée à La Mekke. Allah fit descendre [alors] une des Hyacinthes du Jardin qui fut déposés à l'endroit du Temple actuel. On ne cessa d'y processionner autour, tant qu'Allah ne provoqua le déluge (tûfân). Dieu reprit vers Lui cette Hyacinthe paradisiaque jusqu'à ce qu'Il suscita Abraham qui édifia le Temple.» Ibn ‘Abbas précise que «le Temple fut déposé sur quatre assises d'eau, deux mille ans avant la création de ce monde. La Terre fut alors étendue sous le Temple.». ‘Atâ Ibn Abî Rabâh relate que «à La Mekke se trouv une pierre sur laquelle est inscrit : «Certes, Je suis Allah, Maître de Bakka que J'ai édifiée le Jour où J'ai façonné le Soleil et la Lune autour de laquelle J'ai fait processionner sept Anges.». Qatâda ajoute que «l'endroit où Adam descendit fut l'Inde… », donc à l'Orient de La MekKe. C'est dans l'Enceinte de La Mekke qu'Adam rencontra Ève qui s'était fixée à Jedda, à l'Occident, après leur chute du Paradis. Jedda située près de La Mekke signifie l'Aïeule. L'un et l'autre étaient tenus de passer la nuit à Safa pour Adam et à Marwa pour Ève, jusqu'à l'époque où l'archange Gabriel leur révéla les prescriptions du Pèlerinage. A Minâ – dont le sens est «vœu, souhait» - Adam formula le vœu de retrouver Ève qu'il rencontra et «connut» à ‘Arafât dont le nom évoque la connaissance ou la Gnose. A Muzdalifa, (l'endroit de la proximité), ils se rapprochèrent et à Jam', (l'union), ils s'unirent. Ce sont les mêmes lieux sacrés – qui suggèrent un symbolisme primordial et permanent susceptible de transpositions historiques, cosmiques et métaphysiques – que franchirent à leur tour Abraham et Hagar accompagnés de leur fils et prophète Ismâ'îl (Que la Paix soit sur eux). Les récits prophétiques et traditionnels sont nombreux qui relatent la reconstruction du Temple de la Ka'ba, les tournées autour de Lui et la Septuple course entre Safâ et Marwâ. Ces récits sont, pour la plupart, corroborés par les versets de Coran, traduits ci-dessous, qui mentionnent le rôle d'Abraham et d'Ismaël (Que la Paix soit sur eux) dans l'édification du Temple, leur fonction cyclique et leurs interventions providentielles dans la ré-actualisation et l'adaptation des principaux rites du Pèlerinage universel en ces Territoires. Nous avons pu constater que les noms de lieux où le Pèlerinage s'effectue, les noms des personnages mythiques ou historiques, qui y évoluent, présentent des significations symboliques multiples. Les mots hajj, hijj, ‘Umra, Ka'ba sont eu-mêmes susceptibles de sens divers. Nous verrons que dans le Coran le mot hajj est mentionné neuf fois et le mot hijj une fois. Les commentateurs ne font pas toujours une différence entre ces deux vocables qui proviennent de la racine H.J.J. signifiant : se diriger vers, se proposer, l'emporter dans l'argumentation sur quelqu'un. Les deux mots qui en dérivent hajj et hijj signifient tous deux : quête, le fait de se proposer quelque chose Le mot hajj est un nom verbal (masdar) qui implique l'ensemble des actes accomplis pendant le pèlerinage ou la mise en œuvre de la Quête, vers le Temple selon le déroulement des rites. Le mot hijj est un nom (ism) et se réfère dans le Coran à la Quête du Temple lui-même (Cf. Coran 3-97) et non pas vers lui. Tabarî, dans son grand Commentaire du Coran ne fait pas de différence entre ces deux vocables. Le terme ‘Uma, traduit habituellement par « Petit Pèlerinage ou Visite, Visitation, vient d'une racine ‘M.R. signifiant : visiter, construire, rendre florissant, être fréquenté, conserver en vie, (se) cultiver. La ‘Umra est la visite vivifiante, la fréquentation, la longévité. Ka'ba vient de la racine K.'B. signifiant avoir les seins formés, remplir, donner la forme d'un carré ou d'un cube. Ces deux sens principaux sont ici à retenir. Certaines traditions rapportent que le Temple de la Ka'ba avait primordialement la forme d'une tente arrondie. Elle prit par la suite l'aspect d'un triangle isocèle arrondi à l'extrémité de ses deux côtés égaux. Sa forme actuelle est un parallélépipède légèrement irrégulier prolongé par un demi cercle, la partie qui le sépare du Temple étant nomme hijr (empêchement, interdiction, protection). Les schémas ci-dessous aideront à faire comprendre que la Ka'ba puisse être et signifier tout à la fois un cube et un édifice dont la forme ressemble au sein. (A suivre)