Le gouvernement algérien semble décider à prendre le contrôle de la filiale égyptienne de téléphonie mobile Orascom Telecom Algérie (OTA). Le cadre réglementaire préparant le terrain à cet achat a été balisé par la récente adoption par le Conseil des ministres de l'ordonnance portant loi de finances complémentaire 2010. «Au titre de la préservation des intérêts de l'économie nationale, la loi de finances complémentaire a introduit un renforcement de l'exercice du droit de préemption de l'Etat sur toute cession d'actifs détenus en Algérie par des investisseurs étrangers en frappant de nullité toute transaction réalisée à l'étranger sur des actifs, en violation de la loi…». Cet article de la LFC 2010 met ainsi un terme aux multiples rumeurs qui ont circulé ces derniers temps sur une éventuelle vente d'Orascom Télécom Algérie à des opérateurs étrangers de téléphonie mobile. Pour comprendre les raisons qui ont amené le gouvernement algérien à instituer ce «droit de préemption» dans une loi de finances il est utile de revenir au mois de janvier 2008, bien avant la crise née du match de football qualificatif au Mondial 2010 entre l'Algérie et l'Egypte qui s'est dérouléau Caire le 16 novembre 2009. Le 23 janvier 2008 et dans le secret le plus total, Orascom Cement, la division ciment du groupe égyptien Orascom construction, est acheté par le groupe français Lafarge. Le montant global de la cession s'est élevé à 8,8 milliards d'euros. Les deux cimenteries d'Orascom en Algérie, la première implantée à M'sila et la seconde à Mascara , seront cédés à 1,7 milliard d'euros. Le groupe Egyptien Orascom, qui a pourtant bénéficié depuis le début des années 2000 de beaucoup de facilités pour investir en Algérie dans la téléphonie mobile, l'industrie du ciment, la production des engrais, en partenariat avec la Sonatrach, ainsi que de gros contrats dans la construction et les travaux pétroliers n'a pas jugé utile d'informer les autorités algériennes des négociations qu'il menait avec le groupe français Lafarge. Du jour au lendemain, Lafarge, le premier cimentier au monde, se retrouve à la tête d'une capacité de production dépassant les sept millions de tonnes de ciment sans l'aval du gouvernement algérien. En d'autres termes le groupe Orascom est devenu «un cheval de Troie» par lequel pouvait entrer n'importe quelle société étrangère sans le consentement des autorités algériennes. Pis encore, Orascom qui a bénéficié des multiples avantages fiscaux accordés aux investisseurs étrangers a empoché 1,7 milliard d'euros sans rembourser le montant des avantages accordés. Une année plus tard, le même groupe tente de récidiver en entamant des négociations pour vendre sa filiale mobile en Algérie connue sous le label Djezzy. Mais cette fois-ci, le gouvernement ne se laisse pas faire et avertit l'opérateur que tout transaction effectuée sans son accord sera nulle et non avenue. S'il y aurait cession, elle le sera en premier lieu au profit du gouvernement algérien. Fin août 2010, selon le ministre algérien de la Poste et des TIC, Moussa Benhamadi, la procédure d'évaluation d'OTA va incessamment débuter. Des bureaux d'études algériens et étrangers eont été chargés de mener cette opération. La valeur d'Orascom doit être évaluée avec exactitude dira le ministre des Tic. Certains bureaux d'expertise ont déjà estimé cette valeur dans une fourchette allant de deux à trois milliards de dollars. Cette évaluation est confortée par la tendance baissière du chiffre d'affaires d'OTA observée depuis près d'une année. Au premier semestre 2010, le chiffre d'affaires de Djezzy s'est élevé à 849 millions de dollars, soit une baisse de 9,8% par rapport à celui réalisé durant la même péribole de 2009. Mais la baisse de l'Ebita (résultat avant déduction des intérêts, impôts et amortissement des frais) est beaucoup plus prononcée. L'Ebita est ainsi passé de 570 millions de dollars durant le 1er semestre 2009 à 475 millions de dollars durant la même période de 2010, représentant une importante baisse de 20%. Par ailleurs et avant qu'Orascom n'entame les négociations avec les autorités algériennes, l'assainissement de sa comptabilité devrait être finalisé en particulier dans sa partie fiscale. Mais quelle que soit l'évaluation de la valeur de Djezzy, il est utile de savoir comment le gouvernement algérien compte s'y prendre pour mener l'opération achat. Certains pensent que l'Etat va couvrir la valeur de Djezzy en recourant au financement du Trésor public. Mais cette probabilité serait écartée en raison du lourd déficit budgétaire prévisionnel pour l'année 2010. Mais contrairement à 2008, année de cession des cimenteries d'Orascom au groupe français Lafarge, l'Algérie s'est dotée au mois de mars 2010 d'un important établissement financier public, le FNI (Fonds national d'investissement). Ce dernier est doté d'un capital de deux milliards de dollars appartenant dans sa totalité à l'Etat. Le FNI pourrait mobiliser des crédits à hauteur de mille milliards de dinars (10 milliards d'euros). Le Fni a déjà acheté à 100% le géant public des travaux publics et du bâtiment Cosider. Le fonds s'est déjà engagé à mobiliser plusieurs dizaines de milliards de dinars pour financer des plans de développement des entreprises publiques de production du ciment, de Saidal pour le médicament et de la SNTA pour le tabac. Pour certains observateurs il n'est pas à écarter que l'Etat chargera le Fni de l'opération d'achat d'Ota. Il est probable aussi que le gouvernement fera appel aux banques publiques en pilotant un montage financier permettant de couvrir la valeur réelle de l'achat de Djezzy. Les banques publiques disposent actuellement de surliquidités de plusieurs centaines milliards de dinars. Une fois Djezzy propriété de l'Etat, les actions de cet opérateur pourrait être cédées en bourse. Une opération qui permettrait de refinancer le FNI et les banques appelées à assumer leur fonction de soutien aux investissements productifs. Mais en attendant ce processus, qui sera une première en Algérie, OTA a largement amorti ses investissements depuis son installation en 2001 en Algérie. Ces dernières années, Djezzy a réalisé des bénéfices net dépassant les 500 millions de dollars annuellement. Des bénéfices qui étaient rapatriés en Egypte par la famille Sawiris. Ce groupe s'est retrouvé aussi au centre d'une importante opération de redressement fiscal avoisinant les 600 millions de dollars. Il était temps pour l'entreprise des Sawiris de comprendre que bénéficier des avantages et des appuis pour s'installer en force en Algérie ne signifie pas avoir l'entière liberté de faire ce qu'on veut spéculant sur des entreprises et des projets qui n'auraient jamais pu voir le jour sans le soutien de l'Etat algérien.