La conférence nationale sur l'écrivain et homme de lettres Tahar Ouettar organisée à Annaba cette dernière fin de semaine, a laissé un goût d'inachevé. Il faut dire que l'on s'attendait à mieux en termes de communications et d'interventions. C'est-à-dire à la mesure de l'homme que fut de son vivant Tahar Ouettar dans une Algérie puritaine, patriote, voyageuse, encore intacte malgré les douloureux événements qu'elle a vécus jusqu'au début des années 2000. Driss Boudiba le directeur de la culture de la wilaya de Annaba et initiateur de la manifestation n'est pas sorti des sentiers battus pour être à même de donner à l'événement l'importance qui lui sied. Quelques invités littéraires dont des affublés du titre de «Doctor» et des laudateurs invétérés ont assombri le décor de la salle de spectacle du théâtre Azzedine-Medjoubi. Heureusement que quelques hommes et femmes de lettres étaient venus, certains de très loin, pour rendre hommage à celui que l'on qualifie d'icône de la littérature algérienne. Présidée par M. Mohamed Ghazi, wali d'Annaba, la cérémonie de remise de la médaille du mérite à la sœur du défunt a remis les choses à leur juste place. Il ne pouvait pas en être autrement pour marquer de la reconnaissance à ce géant de la littérature algérienne et arabe d'abord, internationale ensuite avec la traduction de ses œuvres dans plusieurs langues. C'est dire que Tahar Ouettar natif de Madaure (aujourd'hui, M'Daourouch) dans la wilaya de Souk Ahras a inscrit en lettre d'or son nom. Comme l'avait fait Apulée Madaure écrivain natif du même patelin au début du IIe siècle puis Saint Augustin l'écrivain à la fin du IIIe siècle qui avait fixé son choix sur l'université de Madaure, la première au monde, pour étudier et s'inspirer. En fait, Ouettar avait mieux que personne humé la façon qu'ont les Algériens de voyager dans le temps et dans l'espace. Il l'a fait d'une manière subtile dans ses différents œuvres à l'image de «Noces de mulet» ou «le pécheur et le palais». Il se reprend parfois à réécrire ses œuvres entamées puis abandonnées. Ce sont celles là et bien d'autres sur lesquelles se sont attardés les participants à cette conférence nationale. Il faut dire que durant toute sa vie, Ouettar a été harcelé, obsédé hanté par la littérature tant et si bien qu'elle s'est transformée en une blessure originelle soudée à sa propre vie. «C'est une icône de la littérature algérienne» dira de lui Driss Boudiba. Il sera repris par d'autres intervenants venus de différentes régions du pays et de Tunisie. Ami Tahar, comme aiment à l'appeler ceux qui l'ont côtoyé était imposant de stoïcisme. Ses nombreuses œuvres encore inachevées seraient une grosse perte pour la culture nationale si elles venaient à se perdre. Pour le reste, tout est dans ses romans, dans leur prose bleue et froide, pleine de promesses, de bonheur. C'est en tous les cas l'impression générale notée auprès des mêmes participants. Dans le programme élaboré par Driss Boudiba, il y avait l'expérience romancière de la création, les étapes culturelles et de pensée, la pratique de la communication, l'expérience d'El Djahidia dans l'œuvre culturelle, le roman «ouettariste» dans la comédie et le cinéma. Au fil des interventions et des exposés qui s'étaient succédés durant les deux jours de la manifestation, les participants ont pu tirer des enseignements sur les aspects de la littérature algérienne. Sur le grand écrivain que fut Tahar Ouettar que l'on qualifie à la fois de sans gène et gentil, crédule et méfiant, fonceur et hésitant, de doux et dure. Cela se reflète dans chacune de ses œuvres ou chaque détail de la vie apparaît dans toute sa beauté ou sa laideur. Il couche ses écrits entortillés de scrupules ou de vanité pour mieux conquérir ses lecteurs. Traduit en plusieurs langues, ses œuvres ne sont ni fragmentées ni allusives mais un enchaînement d'écrits durcis et accélérés pour se transformer en modèles d'efficacité dans la manière d'interpeller les consciences mais sans prétendre en être l'objecteur. La plume de Ouettar trace des étreintes esquissées et des désirs inassouvis. On décèle comme une trace d'une angoisse dans chacune de ses ?uvres qui relèvent de confidences pour faire défiler un ruban de scènes qui défonce et témoigne en même temps de l'audace de celui qui tient la plume. Dans « l'As» et« Ez-zilzel », deux autres de ses œuvres, sont des récits percutants. Les recueils de Ouettar sont nombreux. Celui d'où a été tirée la pièce théâtrale «les Martyrs reviennent cette semaine» est véritablement un appel à l'éclatement de l'expression. La pièce avait été jouée par Azzedine Medjoubi tombé sous des balles terroristes. «Noua» est une forme d'expression figée à tout jamais sur une pellicule. Œuvre des êtres de ses œuvres, le fils de Madaure donne sa propre vision du monde et de la philosophie de l'histoire.