Après le débrayage spontané des travailleurs de divers ateliers lundi suivi par un mouvement de grève générale paralysant totalement les activités du complexe, il y a eu la réaction de la direction générale. En réponse à une revendication des grévistes, il a été décidé de sécuriser totalement le site. Cette démarche a eu pour résultat la réouverture des locaux du conseil syndical fermés par les membres du Comité de participation depuis deux mois et le retour de Kouadria Smaïl, le secrétaire général et des membres du bureau exécutif du conseil syndical interdits d'accès au complexe durant la même période. Préalablement, une vingtaine de membres de ce même comité qualifiés de plus virulents, ont été exclus du complexe. La bonne volonté de Vincent le Gouïc, le premier responsable de la Société algéro-indienne du fer et de l'acier en Algérie pour tenter de reprendre en main la situation, lui a valu d'être menacé de mort. Le DG d'ArcelorMittal ne s'est pas limité à ce niveau d'intervention. Il a aussitôt entamé mercredi en fin d'après midi, le dialogue avec les membres du conseil syndical. Il en a résulté un procès-verbal par lequel les deux parties (employeur/syndicat) signataires s'engagent à reprendre les négociations le 18 octobre sur les salaires et les indemnités ainsi que le règlement progressif du problème des travailleurs issus des sociétés sous- traitantes. Il était temps car la situation au complexe sidérurgique avait atteint son paroxysme. L'apparition, armes blanches en main, de quelques éléments du comité de participation et leur tentative de casser la grève, laissait présager le pire. D'autant que Smaïl Kouadria avait déposé plainte auprès des autorités compétentes pour menaces de mort dont il aurait fait l'objet quelques heures auparavant. Dans les rebondissements aussi, la chasse à l'homme lancé par les grévistes à la recherche des élus du comité de participation. Ces derniers furent évacués dans la précipitation et en toute discrétion du complexe. Le jeudi, suite au mot d'ordre lancé par les syndicalistes, la reprise du travail était effective à tous les niveaux de la production et des unités de maintenance ou administratives. Aux abords du siège de la direction générale et du syndicat, régnait un calme précaire. Pour cause, le passage d'une interview de Aïssa Menadi, l'ex-secrétaire général du syndicat paru sur un titre de presse arabophone. «Le changement qui doit s'opérer incessamment avec l'éviction de l'actuel secrétaire général du conseil syndical ArcelorMittal sera financièrement bénéfique pour l'avenir de notre club» avait affirmé l'ex- syndicaliste. Sa déclaration était remise en question le jour même par la direction générale. En décidant de donner suite aux revendications des travailleurs, notamment la reprise des négociations, la sécurisation du site, la réouverture des locaux du syndicat et le retour de Kouadria à son poste de SG, le représentant en Algérie du groupe franco-indien, leader mondial de l'acier a reconnu de fait la légitimité du Conseil syndical en place. Comme première répercussion, Vincent le Gouïc aurait reçu des menaces de mort. C'est ce qu'affirment des sources crédibles. Cette reconnaissance de fait des syndicalistes semble avoir chamboulé les calculs de Menadi et des membres du C.P qui lui sont totalement acquis. Calculs chamboulés également avec le départ imposé du français Daniel Atlan, directeur des ressources humaines. Les prises de position de ce dernier avaient été à maintes reprises dénoncées par les syndicalistes. Ces derniers y voyaient tous les ingrédients d'une manipulation des membres du C.P instruits à l'effet d'entraîner la situation vers le pourrissement et de là l'éviction de Kouadria Smaïl et l'abandon total des négociations sur les salaires et indemnités. Ce qu'a confirmé du reste Smaïl Kouadria. Tout en pointant un doigt accusateur sur son prédécesseur qui, selon lui tire les ficelles, pour envenimer davantage la situation et les relations entre travailleurs, le secrétaire général du conseil syndical a estimé : «Obéissant au doigt et à l'œil de ceux qui les manipulent, les membres du CP ont tenté de nous mener vers l'affrontement entre travailleurs. C'est pourquoi nous avons appelé à l'apaisement et avons demandé que tout un chacun axe ses efforts sur l'amélioration des conditions socioprofessionnelles. Là avait été le véritable motif de la décision des salariés d'entamer la grève avec la paralysie totale des installations de production. Oui, nous avons fait l'objet de menaces de mort et en avons informé les services compétents auprès desquels nous avons déposé plainte». Du côté des travailleurs, on a interprété la dernière réaction du directeur général comme étant la plus appropriée pour un retour à la normale de la situation. Il faut dire que le bras de fer entamé par la majorité des 5 700 travailleurs mardi dernier était très persuasif. Tous étaient déterminés à poursuivre leur grève jusqu'à satisfaction de toutes leurs revendications Et pour bien le démontrer, ils ont affirmé tout au long de la marche effectuée des ateliers jusqu'au poste de garde, que nul quel que soit son niveau de responsabilités ne pourra leur imposer de cesser leur grève. L'allusion à une éventuelle réédition de la décision de suspension de la grève émise le 21 juin 2010 par Sidi-Saïd Abdelmadjid, secrétaire général de la centrale syndicale UGTA était claire. «L'UGTA, les membres du conseil syndical de l'entreprise ou qui que ce soit d'autre, ne pourra nous faire changer d'avis en ce qui concerne notre avenir socioprofessionnel. Seul un engagement écrit de la direction générale d'entamer à très court terme le dialogue social avec nos représentants pourrait faire cesser notre grève» avaient indiqué plusieurs d'entre eux. Aujourd'hui, lendemain de reprise de travail, les syndicalistes et leur base discutent des moyens à mettre en œuvre pour relever le défi d'amortir le déficit. Par ailleurs, des indiscrétions proches des syndicalistes révèlent l'existence d'un volumineux dossier portant sur d'autres graves et importantes dilapidations et sur des détournements du fonds des œuvres sociales. «C'est parce qu'ils sont en possession de ce dossier qui implique de hauts responsables de l'Etat, des sénateurs et des députés bénéficiaires d'avantages ces dernières années, que Kouadria et des membres du bureau exécutif sont menacés de mort. Ce qui explique également la volonté des membres du comité de participation de vouloir les faire taire d'une manière ou d'une autre» ont ajouté nos interlocuteurs.