Le Parlement portugais s'apprête à voter, hier, un budget d'austérité pour l'année 2011, dont le gouvernement espère qu'il permettra suffisamment de coupes budgétaires pour dissiper les craintes qui pèsent sur la zone euro. Sans révéler ses sources, le Financial Times expliquait que les pressions sur Lisbonne visaient à éviter que l'Espagne, cinquième économie d'Europe, ne soit contrainte à faire de même. «Si le Portugal sollicite le fonds, ce sera bénéfique pour l'Espagne, car le pays est lourdement engagé au Portugal», explique un responsable du ministère allemand des Finances cité par le quotidien. Le gouvernement portugais a rapidement démenti. «Cet article est complètement faux et ne repose sur rien», a assuré un porte-parole. La Commission européenne a de son côté affirmé ne pas avoir connaissance de discussions visant à faire pression sur le Portugal. «Je n'ai pas connaissance de pourparlers dans lesquels le Portugal serait incité à accepter une aide», a déclaré le porte-parole, Amadeu Altafaj, en soulignant que la situation du Portugal était différente de celle de l'Irlande. «Le Portugal adopte un budget ambitieux pour 2011, qui comporte des mesures destinées à répondre à cette situation. La situation est différente, le secteur bancaire étant relativement sain», a-t-il dit. De nombreux analystes estiment néanmoins que le Portugal va suivre les pas de la Grèce, aidée financièrement en mai, et de l'Irlande, et solliciter à son tour le Fonds européen de stabilisation financière (FESF). L'Europe veut rassurer les marché Le Premier ministre portugais, José Socrates, a plusieurs fois affirmé que son pays n'avait pas besoin de recourir au FESF. Le gouvernement espère, grâce aux baisses des dépenses et aux hausses d'impôts du projet budgétaire, de ramener le déficit de 7,3 % du PIB cette année à 4,6 % l'an prochain. Le déficit du Portugal est bien plus bas que celui de l'Irlande et son secteur bancaire ne connaît pas les difficultés de celui de Dublin. Cela n'empêche pas les marchés de s'inquiéter pour le Portugal. Selon une enquête réalisée cette semaine par Reuters, 37 économistes sur les 50 interrogés s'attendent à ce que Lisbonne finisse par demander une aide financière. Une autre étude fait apparaître que l'Espagne inspire bien plus confiance: seuls quatre économistes sur 50 la voient recourir aux financements européens. Mais les Européens veulent écarter tout risque que cela se produise, parce qu'une aide à l'Espagne pourrait épuiser le filet de sécurité de 750 milliards d'euros constitué par la zone euro, l'Union européenne et le Fonds monétaire international. Jeudi, de hauts responsables européens se sont attelés à rassurer les marchés sur la pérennité de la monnaie unique, dont l'avenir fait l'objet de doutes croissants. Le directeur du FESF Klaus Regling a affirmé jeudi qu'il n'y avait «aucun danger» d'éclatement de la zone euro, reconnaissant toutefois que «la situation est grave». La crise financière irlandaise a fortement préoccupé les investisseurs, ce qui s'est traduit par une flambée du coût de l'emprunt souverain de Dublin, mais aussi de Lisbonne et Madrid, dont les économies sont fragilisées. Le rendement du titre obligataire portugais à dix ans dépassait 7 %, hier matin, et celui de l'emprunt espagnol était supérieur à 5 %. L'écart de rendement de la dette portugaise vis-à-vis du Bund atteignait, hier, 464 points de base, à 17 points de son record historique. Pour la dette espagnole, l'écart de rendement a atteint vendredi un plus haut depuis la création de la zone euro, à 266 points de base, 10 de plus que la veille. Le président du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, a jugé, hier, que les investisseurs pariant contre l'Espagne faisaient fausse route. «Ceux qui adoptent des positions à court terme contre l'Espagne commettent une erreur», a-t-il dit sur la radio RAC1. L'euro, s'il ne rompt pas, a légèrement plié face au dollar ces dernières semaines, jusqu'à atteindre vendredi un nouveau plus bas en deux mois face au billet vert sur la plate-forme EBS, en deçà de 1,3284 dollar. Après la Grèce, soutenue à hauteur de 110 milliards d'euros en mai, l'Irlande s'apprête à recevoir une aide massive dont le montant devrait avoisiner 85 milliards. Pour ce faire, le gouvernement doit faire adopter au plus tôt son budget, caractérisé par un plan d'austérité de quatre ans visant à réaliser 15 milliards d'économies. Sa tâche s'annonce compliquée car une crise politique a résulté de la débâcle financière et les résultats d'une élection législative partielle dans le comté de Donegal, attendus, hier, devrait confirmer l'affaiblissement de sa majorité.