L'organisation de ce colloque répond au souci d'entretenir la mémoire de ce sage légendaire, dont les paroles, conservées intactes malgré les aléas de l'oralité, continuent de constituer, plus d'un siècle après sa disparition, une référence, voire un antidote pour les âmes en souffrance. «Ce personnage bénéficiait d'une large audience et influence qui lui ont valu le titre honorifique de l'amusnaw (sage)», a estimé Chemakh Saïd, chercheur en langue et culture amazighes à l'université de Tizi-Ouzou. «Sa parole revêt toujours une autorité morale indiscutable, à tel point qu'il suffit, pour tout interlocuteur de la citer pour convaincre son vis-à-vis, ou de le raisonner», a souligné M. Chemakh. «Il n' est pas rare d'entendre dans toute discussion publique quelqu'un dire : «Le Cheikh a dit, pour appuyer son propos ou tempérer l'ardeur de son interlocuteur, selon un témoignage de Mouloud Mammeri, dans sons livre intitulé Cheikh Mohand a dit», a expliqué ce chercheur. «Témoin de son siècle, cet amusnaw savait toujours réconforter ceux qui l'approchaient, en trouvant les mots qu'il faut pour les conseiller, ou leur donner espoir et courage», a ajouté ce chercheur, tout en signifiant que «sa poésie, puisée de la souffrance de son peuple durant l'insurrection de 1871, est pétrie dans le courage et la résistance contre les spoliateurs.» C'est à lui qu'on doit la célèbre citation : «Celui qui craint un seul (Dieu), ne craint personne...» En son temps, des gens et des communautés préféraient recourir à cette autorité spirituelle pour le règlement de tout conflit, plutôt que de s'en remettre à la justice coloniale, est-il rappelé. Au programme de cette manifestation figurent des récitals poétiques, des conférences, des expositions de livres et une projection vidéo sur la vie et l'œuvre de Cheikh Mohand Oulhoucine. Cheikh Mohand Oulhoucine (1836 -1901) fut un célèbre poète et sage émérite, dont l'audience continue de rayonner encore sur toute la Kabylie. Il naquit et vécut à Taka Aït Yahia, dans la daïra d'Aïn El Hammam (Tizi-Ouzou). Homme religieux, le Cheikh était réputé pour sa grande culture, malgré le fait qu'il n'ait jamais été à l'école, si ce n'est celle de la vie. Il a joué un rôle essentiel dans la vie culturelle de ses contemporains, parmi lesquels figurait le poète Si Moh U M'hand, tous deux liés par un esprit fraternel, ayant donné naissance à une épique poésie. Ses paroles, source intarissable de sagesse, inspirent plusieurs chanteurs et conteurs, à l'instar de Lounis Aït Menguellat.