Lorsqu'on constate le nombre de futures vedettes du football qui se sont forgées sur l'immense surface d'El-Assouedj, on se rend compte que l'école de la rue est bel et bien une réalité. Cette aire de terre battue a permis l'éclosion de footballeurs de talent et ce, sans aucune méthodologie, ni planning, et ni une quelconque diététique. C'est là où une ribambelle d'enfants donnaient libre cours à leur créativité. Dresser la liste des joueurs qui y ont émergé serait impossible et fastidieux. Il faut savoir que Ouis Miloud a fait partie de cette flopée de grands footballeurs. Il se souvient qu'à longueur de journée, des matches se déroulaient jusqu'à la tombée de la nuit, entre l'équipe des rues des Amandiers contre celle de la rue des Puits. Au programme, il y avait également place du Sahara - Place Thiers. C'était en fait un championnat open où le plus important était de jouer. Le jeune Ouis ne paraphera sa première licence au MCO qu'en juniors en compagnie des frères Fréha, Ahmed et Benyoucef, de Missoum et « Pujazon » sous la conduite éclairée de Lahouari Sebâa, un ancien joueur d'expérience. Doté d'une technique irréprochable et de l'endurance d'un coureur de fond, Ouis s'éclata au poste de demi (on dit milieu aujourd'hui). « J'étais très actif sur le terrain et j'adorais donner de bons ballons aux attaquants. Ce rôle me plaisait, surtout que nos adversaires, à savoir Sig, le CALO, l'ASE, le S Choupot et l'US Burdeau, ne manquaient pas d'arguments. Et puis, on a dit que je possédais une frappe de balle puissante», dira Hadj Ouis, qui ajoutera : «en Coupe d'Afrique du Nord, le haut fait du MCO est d'avoir contraint l'USSCT (club d'élite) à aller jusqu'au «but finish» après les prolongations. Il fallait le faire compte tenu de la différence de hiérarchie. Je me souviens que Sauveur Rodriguez, entraîneur-joueur, s'est blessé ce jour-là ». Après le retrait des clubs algériens, Ouis optera pour l'AS Marine Oran durant une saison avant de tenter l'ouverture à Auxerre (France) avec trois copains, Boudjellal Ahmed, Boukha et Tazi. Le séjour ne dure que quelques mois, de juillet à fin novembre 1960, avant le retour vers l'Algérie. Un jour, son ami de toujours, Beddiar Lahouari, parvient à le convaincre de se rendre au stade de l'ASE. Ce fut l'occasion pour lui de se mettre en évidence et d'intégrer l'équipe de la RMTUO dont le responsable n'était autre que Hadj Baghdad Aboukebir. En contrepartie, il travaillera au garage de l'entreprise avec son copain. Juillet 1962, c'est l'indépendance. En principe, Beddiar et Ouis, en hamraouas bon teint, devaient signer au MCO. C'était sans compter sur la perspicacité du regretté Kacem Hamida qui parvient à les détourner vers son club. Ils joueront une saison sous les couleurs asémistes avant de retourner au MCO. Jusqu'à aujourd'hui, Hadj Ouis se pose des questions à propos de leur situation de «marginalisés». Crainte de la concurrence, ou y a-t- il eu des fuites à propos des primes de signature perçues par les deux hamraouas ? Toujours est-il qu'au MCO, Ouis et Beddiar trouveront rapidement leurs repères, au sein d'un environnement favorable. Ils seront convoqués dans la première sélection nationale qui a affronté le club de première division française entraîné par l'Oranais Abdelkader Firoud. Et puis arrive le fameux match pour le titre de champion d'Oranie 1963/1964 enlevé par les asémistes grâce à un but portant la «griffe» de Reguieg Pons. Sous le coup de la déception, des gens ont incriminé Ouis, sous le fallacieux prétexte que c'est lui qui a été le dernier à jouer le ballon. Touché dans son amour-propre, Ouis quitte le MCO pour l'USMO entraînée par Lasni. A 31 ans, alors qu'il était en pleine possession de ses moyens, Ouis raccroche pour se consacrer à sa famille. A force de persévérance, il connaîtra une bonne réussite sociale. Il est vrai que cet homme intelligent, raisonnable et bon père de famille, a fort bien réussi sa reconversion. A l'heure qu'il est, à 75 ans, il gère sagement son petit magasin. Et à en juger par la satisfaction de ses clients, on en déduit qu'il est resté, et sans jeu de mots, de bon commerce. Le débat est ouvert Comme toute activité humaine, le football comporte un envers, différent de celui qui est apparent. Un footballeur brille, il est encensé par les supporters. Ce même footballeur commet une maladresse, il est descendu en flammes. C'est en fait la douloureuse mésaventure vécue par Ouis Miloud alors qu'il était au sommet de son art. Pendant de nombreuses années, il s'est réfugié dans le silence. 45 ans après, on pensait que la blessure était cicatrisée. Cicatrisée peut-être mais pas oubliée, car l'ingratitude et l'injustice marquent un homme à tout jamais. Sur notre insistance, il a fini par accepter de donner sa version des faits. « J'ai dégagé la balle sur une attaque asémiste. Le malheur a voulu que le ballon prenne de l'effet. Pons se trouvait à une bonne quinzaine de mètres du point de chute du ballon. Celui-ci a rebondi sur le sol et aurait dû être dégagé par un défenseur ou un demi, ce qui n'est pas arrivé. Après le second rebond, Pons a surgi et a effectué le coup de ciseau dont il était le spécialiste en Algérie. C'était le but. En quoi je suis responsable ? Pour avoir été le dernier joueur de l'équipe à avoir touché le ballon ? Sincèrement, et en toute objectivité, je crois qu'on est allé trop vite en besogne, me désignant du doigt. Je pense que l'importance du résultat a faussé la faculté de jugement des fans et des observateurs. Lorsqu'il y a une victoire, c'est toute l'équipe qui recueille le mérite. Dans une défaite, je pense que c'est la même responsabilité collective. Hélas, j'ai été le seul à payer pour tout le monde. C'est trop facile, faux et injuste ! » Pour avoir personnellement assisté à ce match historiquement important pour les deux clubs, nous pourrions poser quelques questions: le ou les joueurs qui ont perdu le ballon ne sont-ils pas également responsables ? Où étaient les demis ? Que faisaient les autres défenseurs ? Nous n'incriminons personne, mais plutôt le collectif. Cette confession de Hadj Ouis aura eu au moins un mérite, et pas des moindres: celui d'ouvrir un débat objectif qui contribuera peut-être à ramener ce douloureux épisode à de plus raisonnables proportions. Moto En signant sa licence à l'AS Marine Oran, Ouis a reçu comme récompense une motobécane neuve remise par le président de ce club Pasquier. Lui, qui enviait les cinq heureux propriétaires des scooters circulant à El-Hamri, était très heureux avec sa «bécane». Echeikh Ouaddah Ancien professionnel devenu un entraîneur réputé, Echeikh Ouaddah a mis à contribution ses connaissances pour que Ouis, Boudjellal Ahmed, Boukha et Tazi effectuent des essais à Auxerre. En dépit d'essais concluants, aucun n'y restera. Et ce fut le retour au pays natal. Sélections Outre six capes régionales où il y avait une rude concurrence, Ouis a eu la joie de figurer au sein d'une sélection nationale «non officielle», précisera-t-il, qui a affronté le club français de Nîmes. Et pourtant, elle avait vraiment le profil d'une équipe nationale avec des professionnels et des vedettes en devenir. Entraînements A 75 ans, Ouis a toujours la pêche. Son secret ? «Deux entraînements par semaine, un, en douceur, le second plus poussé au stade des Castors, avec étirements, sprints et circuits au menu. C'est ce qui explique son étonnante forme physique. Mauvais œil Même les gens sensés croient dur comme fer à l'existence du «mauvais œil». Ouis soutient qu'il en a été victime de la part d'une dame qui, s'étonna... de la santé affichée par cet ancien footballeur. Car, le lendemain, il était malade ! International Ouis Miloud a été titularisé en équipe nationale le 26 février 1963 à Oran face à la Tchécoslovaquie, finaliste du Mondial 1962 contre le Brésil. Il avait comme coéquipiers, Nassou, Ould-Bey, Sikki, Isaaâd, Messaoudi, Krimo, Belkébir, Beddiar, Bouhizeb et Meziani. Cette rencontre, remportée par les Techèques (2 à 0) a été arbitrée par Bendjadi.