INTRODUCTION Par les emplois et les revenus qu'il procure aux différents opérateurs de la filière, les surfaces qu'il occupe, la contribution de sa production aux échanges commerciaux (internes et externes) et la contribution à la création de valeur, le secteur des fruits et légumes revêt une importance particulière pour l'économie agricole algérienne. 1. Commercialisation des fruits et légumes De lourdes contraintes entravent l'écoulement rapide des fruits et légumes le long du circuit de distribution : « producteurs - négociants - mandataires - grossistes - détaillants - consommateurs » en raison de dysfonctionnements inhérents à la commercialisation. Outre sa vocation première d'établir un prix unique d'équilibre, le marché de gros est devenu le maillon le plus déterminant dans le commerce des fruits et légumes. En effet, il intervient en faveur de : 1. la protection des produits périssables, 2. l'amélioration des flux de marchandises, 3. la réduction des coûts logistiques, 4. la vitesse de rotation des stocks, 5. l'accroissement de la productivité des opérateurs, 6. l'efficacité de la distribution en général. En 2007, le plan national d'équipement commercial prévoit : À La réalisation de 50 marchés de gros (4 à vocation nationale, 25 à vocation régionale et 21 à vacation locale) ; À La réhabilitation des 39 marchés de gros opérationnels (3 nationaux, 14 régionaux et 22 locaux) et le renforcement de leur réseau ; À Le renforcement du réseau des marchés de détail par la réalisation de 838 nouveaux marchés de détail et la réhabilitation de 1.000 marchés déjà opérationnels. [Sources : ministère du Commerce (année 2008)]. L'arrêté interministériel du 06 février 1994 fixe les horaires de fonctionnement des marchés de fruits et légumes pour les 3 raisons suivantes : À Concentrer les flux physiques des produits dans le temps et l'espace afin de maîtriser le circuit de distribution ; À Eviter des transferts continus d'un marché vers l'autre à des fins purement spéculatives ; À Permettre la mise en oeuvre d'une politique de régulation du marché grâce au contrôle des transactions et de la circulation des produits. 2. Agréage L'arrêté interministériel du 8 janvier 1994, relatif à la qualité et à la présentation des fruits et légumes destinés à la consommation, indique que les produits doivent être conformes aux usages admis en la matière à savoir : À Entiers et propres, À Dépourvus d'humidité extérieure ou de traces anormales de produits de traitement, À Sains et exempts d'attaques d'insectes ou de maladies, À Indemnes de défauts nuisants à leur comestibilité ou à leur aspect, À D'un degré de développement et de maturité appropriés, À Homogènes (la partie apparente du contenu du colis ou du lot doit être représentative de l'ensemble du contenu). Pour que la normalisation en vigueur soit appliquée, il est nécessaire de connaître en temps réel la composition de chaque arrivage. Pour ce faire, on a recours à des programmes informatiques qui ventilent le poids net réceptionné par calibres et catégories en fonction des pourcentages reconnus sur des échantillons donnés. Ces systèmes sont précis car, même si une origine accuse une densité différente par rapport au poids moyen de la base de données (qui contient pour chaque espèce et variété le poids moyen théorique pour chaque calibre), cette différence s'applique proportionnellement à tous les calibres et ne change pas les pourcentages. La répartition finale n'est donc pas affectée. Ces systèmes délivrent un état d'agréage qui comporte en plus des paramètres d'identification, une ventilation verticale pour les différentes catégories et horizontales pour les différents calibres. 1. Caractéristiques de la filière fruits et légumes en Algérie 3.1 Production agricole 3.1.1 Fruits A la faveur du (PNDA), la production fruitière en Algérie a connu ces dernières années une dynamique d'extension des superficies (augmentation de l'ordre de 53 % entre les campagnes 1996 et 2006), de sorte que celle occupée par l'arboriculture en 2006 est de 480 000 ha soit 8,95 % de la superficie agricole utile (SAU). L'évolution quantitative de la production (entre 1996 et 2006) des fruits à noyaux et pépins, figues, agrumes, dattes et vignoble est respectivement de 163 %, 61 %, 104 %, 36 % et 103 %. L'évolution moyenne de l'ensemble des fruits est de 100 %. L'évolution annuelle des rendements (entre 1996 et 2006) des fruits à noyaux et pépins, figues, agrumes, dattes et vignoble est respectivement de 46,7 %, 20,6%, 72,6 %, -14,5 % et -8,2%. L'évolution des rendements durant cette même période de l'ensemble des fruits est de 35,6 % (passage de 43 q/ha à 58 q/ha). [Source : MADR, direction des Statistiques (février 2008)]. 3.1.2 Légumes En 2006, la superficie totale consacrée aux légumes est de 337.807 ha. Celle occupée par la pomme de terre est de 98 825 ha soit 29% du total. La production moyenne des légumes (entre 1996 et 2006) est de 35,72 millions de quintaux, avec 14,38 millions de quintaux pour la pomme de terre soit 40 % de l'ensemble de la production. Le rendement de la pomme de terre (durant la même période) est passé de 134,6 q/ha à 220,7 q/ha et celui des légumes (en général) est passé de 107,24 q/ha à 158,07 q/ha. [Source : MADR, direction des Statistiques (février 2008)]. 3.1.3 Evolution des importations de fruits Les importations de fruits en valeur sont passées de 12,03 millions USD en 1996 à 105,41 millions USD en 2007 et en quantité de 9.000 qx à 2 656 000 qx. Durant la même période, la banane représente presque les 3/4 de l'ensemble des importations c'est-à-dire une valeur moyenne de 37 millions USD/an sur un ensemble de 52 millions USD/an. [Source : CNIS 2008]. 3.1.4 Evolution des importations de légumes Les importations de légumes en valeur sont passées de 64,8 millions USD en 1996 à 158,4 millions USD en 2007 et en quantité de 2,1 millions de qx à 2,7 millions de qx. On notera que les importations en valeur de pommes de terre sont passées de 1,5 million USD à 46,4 millions USD et que les importations de pommes de terre de semence sont passées de 20,7 millions USD à 64,3 millions USD durant la même période. [Source : CNIS 2008]. 4. Prix de gros des fruits et légumes Une analyse très succincte de l'évolution des prix de gros des fruits et légumes (sur la période 1996 - 2007) à travers des indices de prix et de leur évolution donne les résultats suivants : De 2006 à 2007, les fruits frais, les légumes frais et la pomme de terre ont connu respectivement une hausse de 15 %, 7,05 % et 41,4%. Cette variation annuelle inquiétante confirme la tendance lourde haussière des prix de la filière traduite par les indices de prix suivants pour l'année 2007 (l'année de référence étant 1996) : 201,4 % pour les fruits frais, 147,1 % pour les légumes frais et 203 % pour la pomme de terre. [Source : ONS (année 2008)]. 5. Contrôle de la qualité des fruits et légumes A l'heure de la production de masse et de l'ouverture du marché algérien, les clés de la réussite sont dans la maîtrise de la qualité. Maîtriser la qualité des fruits et légumes, c'est savoir la mesurer et l'exprimer à l'aide d'indices fiables et reconnus (taux de chlorophylle, valeur gustative et potentiel de conservation) en vue d'une approche commerciale basée sur le délai de vente et donc du circuit de distribution préférentiel. Pour les fruits, il s'agira d'effectuer des analyses multicritères relatives au poids (calibre moyen), à la fermeté (mesure de la force maximale de pénétration), à la teneur en sucre (degré Brix), à l'acidité (malique et critique), à la jutosité (jus/matière sèche) et à la discrimination (creux et vitrescents pour les melons). Des laboratoires automatiques de contrôle permettent de tester les fruits avec une précision non tributaire des aléas liés aux mesures effectuées manuellement et surtout, de fournir des résultats sous forme de « fiche d'identité » des produits testés. Pour les légumes, il s'agira plutôt de détecter les défauts chromatiques et morphologiques, et de supprimer les corps étrangers (foreign material) et les matières végétales étrangères (extraneous vegetable matter). Outre le gain de temps considérable sur les procédures manuelles, les technologies récentes permettent d'établir des diagnostics (en temps réel) et de procéder à des choix sélectifs grâce aux algorithmes dédiés aux prises de décisions de tri complexes. A ma connaissance, aucun indice de qualité n'est établi en Algérie, ni en fonction de la spécificité du produit ni même en fonction du marché auquel il est destiné. Des pertes estimées à plus de 30% de la quantité des produits manipulés le long de la chaîne logistique sont enregistrées en moyenne chaque jour en raison: À De l'absence de traçabilité de la chaîne de froid (technologie permettant de prédire la durée de vie des produits alimentaires, et donc de la DLC, en fonction de leurs conditions de transport et de stockage); À De l'absence de normes de conditionnement et d'empilement ; À Du non-respect des dates limites de cueillette ou de récolte ; À De l'endommagement des produits lors de la récolte ou de la cueillette ; À Du processus de décomposition et de bourgeonnement. 6. Diagnostic - Malgré l'évolution appréciable de la production induite à la fois par l'accroissement des superficies et des rendements, l'Algérie est loin d'être autosuffisante en matière de fruits et légumes. Notre pays a été contraint d'importer (en 2007) 70 000 tonnes pour une valeur de 373 millions USD. - Si la qualité de l'ensemble de nos fruits et légumes n'a pas sensiblement changé au cours de la période 1996 - 2007, en revanche les indices de prix ont connu une tendance à la hausse pour les fruits frais (plus de 200 %) et pour les légumes frais (près de 150 %). Une dégradation continue du rapport qualité-prix caractérise donc la filière ! 7. Mesures remèdes Pour que la filière devienne compétitive, un certain nombre de conditions nécessaires et suffisantes doivent être réunies à savoir : À Des cahiers des charges doivent être établis et constituer la base pour la signature de contrats tout au long de la chaîne « clients-fournisseurs » ; À La filière doit être conçue comme étant une chaîne de valeur c'est-à-dire un ensemble d'activités créatrices de valeur qui est à la base de son avantage concurrentiel. Le concept de chaîne de valeur est fondamentalement différent de celui de valeur ajoutée. D'un point de vue stratégique, ce dernier a deux défauts majeurs : Il commence trop tard et s'achève trop tôt ! En amorçant l'analyse des coûts au niveau des achats, l'on se prive de toutes les occasions d'exploiter les relations avec les fournisseurs. Outre le fait qu'elle démarre trop tard, l'analyse de la valeur ajoutée a un autre défaut important, elle s'arrête trop tôt. En n'allant pas au-delà du chiffre d'affaires dans l'analyse des coûts, l'on perd toutes les occasions de mettre à profit ses relations avec les clients (idée maîtresse du concept d'adaptation des produits aux besoins et aux souhaits des clients surtout ceux qui appartiennent aux segments les plus rentables). Le postulat de base de cette stratégie marketing est qu'on peut toujours améliorer son offre et donc le volume des ventes. À Les deux sources d'avantages concurrentiels que sont le coût et la différenciation (qualité différente et supérieure à celle des concurrents) doivent être exploitées. A l'origine d'un avantage de différenciation, on peut trouver deux types de savoir-faire distinctifs ou d'actifs : les savoir-faire (et actifs) technologiques, les savoir-faire (et actifs) marketing. A l'origine d'un avantage de coût, on peut trouver deux types de causes : le coût unitaire des facteurs de production et la productivité. Par coût unitaire des facteurs de production on entend le coût unitaire du travail (salaires, charges sociales, etc.) et le coût unitaire du capital, la pression fiscale agissant sur les deux. Plusieurs facteurs peuvent être à l'origine d'avantages de productivité: l'innovation de produit (ex : semence à haut rendement), l'innovation de procédé (ex: semoir de précision), le plein emploi des actifs (grâce aux coopératives d'utilisation du matériel agricole 'CUMA'), les efforts d'analyse et de contrôle des coûts (grâce à la méthode qui repose sur le principe suivant : les produits consomment des activités qui consomment des ressources), la motivation du personnel (grâce à un système de rémunération qui tienne compte de la contribution effective de chaque opérateur à la création de valeur), les effets d'échelle et d'apprentissage (grâce aux partages de ressources, aux transferts de savoir-faire, aux effets de gammes ou d'image propres aux entreprises coopératives agricoles de production et de distribution), pour ne citer que les principaux. Conclusion Etant à la racine de la création de la valeur, les savoir-faire managériaux doivent être impérativement développés le long de la filière fruits et légumes, car intimement liés aux progrès technologiques. En effet, le recours à des technologies plus productives induit une diminution du coût unitaire de production, et le renouvellement rapide du portefeuille de technologies, rendu possible par un taux d'utilisation élevé des équipements, permet de bénéficier des matériels les plus performants. Ce changement est aussi, souvent, l'occasion d'un changement organisationnel à même de pouvoir démultiplier en interne par le biais de la responsabilisation les gains de productivité et, par conséquent, accroître la création de valeur. L'expansion de l'entreprise développe également un apprentissage collectif qui alimente à son tour des gains de productivité susceptible de soutenir l'expansion à venir, friande de technologies encore plus performantes. ------------------------------------------------------------------------ (*)Consultant en management