L'Assemblée populaire nationale est si discréditée et ses parlementaires si honnis que la revendication formulée par la porte-parole du Parti des travailleurs, demandant sa dissolution et des élections législatives anticipées, a trouvé un écho approbateur dans l'opinion publique. Même le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, a donné l'impression de ne pas voir de «l'extravagance» dans cette exigence que Louiza Hanoune martèle avec insistance. Il l'a commentée par un énigmatique «pourquoi pas», qu'il a, il est vrai, tempéré en ajoutant que «cela pourrait avoir lieu s'il y avait une utilité et si cela allait contribuer à la stabilité du pays». Alors, y a-t-il utilité à dissoudre cette institution ? Bien sûr que oui, répondront ceux qui voudraient sanctionner sans autre forme de procès les députés qui en font une chambre d'enregistrement aplatie devant l'exécutif. A quoi cela rimera, rétorquent ceux qui restent convaincus que des élections législatives anticipées ne feront que reconduire une «représentation nationale» à l'identique de l'actuelle dans sa culture politique et ses pratiques. Que la majorité des parlementaires mérite un coup de balai, cela ne se discute pas. Mais faut-il que cette opération ait de «l'utilité», au sens où l'Assemblée nationale qui émergerait d'élections législatives anticipées deviendrait effectivement une institution assumant les prérogatives de pouvoir législatif et de contrôle qui lui sont constitutionnellement dévolues. Bouteflika est-il disposé à composer dans cet esprit avec cette institution, au risque de voir l'action gouvernementale dont il est la source faire éventuellement les frais de remises en cause dans l'enceinte parlementaire ? Louiza Hanoune, qui est partie en campagne sur le thème de la dissolution et d'élections législatives anticipées, semble croire que le Président réélu ne serait pas totalement hostile à cette perspective. Il y a que le scénario qu'elle préconise va à contre-courant de la stratégie de pouvoir que Bouteflika a poursuivie tout au long de ses dix années de gouvernance déjà bouclées, qui a consisté à neutraliser tous les lieux d'où pouvaient se manifester des volontés de faire barrage à l'omnipotence présidentielle et à l'exécutif dont il est la représentation. Le Président réélu a-t-il alors changé au point d'accepter pour son troisième mandat que l'institution parlementaire ne soit plus totalement inféodée à l'exécutif ? C'est risquer de lourdes désillusions à faire fond sur une évolution de ce type de la part d'un Président réélu qui a fait campagne en se revendiquant de la continuité, et dont le premier acte officiel après son investiture a été de reconduire en l'état l'exécutif gouvernemental. La même grande réserve est également de mise à l'égard des gestes «d'ouverture» en direction de notre corporation, que certains commentateurs déclarent avoir décelés dans les propos qu'il a tenus à son intention ces derniers temps, notamment à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse.