Dans un livre écrit par sa fille Nacera intitulé «La fille de son père» et publié chez Dar El-Gharb en 2002, l'écrivain ne fournit pas beaucoup d'indications sur le parcours militant de son père Mohamed Fartas, dit «Si Mustapha». Pourtant, ce militant de la cause nationale a été un des adjoints de Larbi Ben M'hidi avec Boussouf et Ben Alla qui vient juste de nous quitter. Cependant, Nacéra Fartas nous fournira quelques indications qui peuvent servir de pistes expliquant l'oubli dans lequel est tombé ce militant de la première heure. Quelques années après la mort de son père, aux lendemains de l'Indépendance, suite à un accident de la route, un bureaucrate de Hassi El-Ghella a décidé de son propre chef de réviser à la hausse le montant du loyer de la demeure qu'habitait la famille de ce grand nom de la Révolution algérienne. Son dessein était d'obliger les descendants de celui qu'on nommait «Si Mustapha» de vider les lieux pour les attribuer à quelqu'un d'autre. Dans le même livre, Nacera évoque son effronterie en tant que lycéenne lorsqu'elle osa interpeller un cadre du parti unique venu initier un débat sur la Charte Nationale dans l'établissement scolaire où elle suivait ses études à Oran. Elle lui demanda de lui expliquer comment la famille d'un grand militant nationaliste, dont des rues portent le nom, se trouvent dans le besoin. Il a fallu plus de treize ans pour que la veuve de « Si Mustapha » qui a été wali de Tiaret et membre de l'Assemblée Nationale Constituante pour bénéficier d'une pension. Mohamed Fartas et sa trajectoire militante restent donc à découvrir. Déjà, le commandant Djaber, qui était chef de secteur au niveau de la wilaya 5 et qui a « recruté » Si Mustapha ne connaît pas meilleur sort. Un autre militant vient tout juste de lui consacrer un livre*. «Le regretté Fartas Mohamed alias Si Mustapha né le 2 septembre 1925 à Hassi El-Ghalla (Ex-Rahel), décédé le 16 août 1964, bien connu dans notre ville, était aimé et estimé de toute la population, en particulier celle de Tiaret où il vivait Boulevard Victor Hugo. Militant de première heure, il fit parti du PPA en 1944. L'année suivante, il fut arrêté par les forces colonialistes et condamné à deux ans de prison. En 1947, animé par la foi révolutionnaire, il reprit ses activités au sein du MTLD. Dévoué, sérieux et accomplissant son travail sérieusement, il fut nommé, en 1948, responsable départemental de l'Organisation secrète (OS) du MTLD. Durant quatre ans, de 1950 à 1954, il exerça les fonctions de responsable du parti jusqu'à la scission de celui-ci. A la veille du 1er Novembre, il fut membre du CRUA (Comité Révolutionnaire d'Unité et d'Action) ». Voilà ce qu'un responsable du parti, dans les années 75, débita à sa fille, excédée et réalisant malgré son jeune âge l'effritement du rêve de son cher père qui prédisait une autre Algérie. Autant dire que c'est très maigre. Mais, ces indications laissent transparaître que l'homme était au coeur des tumultes qui secouaient le mouvement national dans sa totalité. Son appartenance à l'OS et au CRUA, deux structures qui vont entraîner à tort ou à raison, le débat est loin d'être clos - l'accélération des événements, témoigne de sa place et de son statut. Mais, Nacera apprendra de la bouche de son père comment il est arrivé au militantisme. Après son obtention de son certificat d'études, il émettra le voeu de poursuivre ses études, voeu contrariant la volonté de sa mère, puisqu'il était enfant unique. Il fugua et décida de rejoindre Alger à bicyclette. Sa rencontre avec un sage lui ouvrira les yeux sur la situation de son pays et surtout sur le devoir qui l'attendait en tant qu'indigène aspirant à l'épanouissement. Son premier engagement militant se traduit par la mise en place du premier groupe scout de la région. Si le cheminement qui a produit Si Mustapha reste opaque jusqu'ici, nous disposons de quelques informations sur sa trajectoire à la base de l'Ouest. Grâce, notamment, à un témoignage de Hadj Zaoui Abdelkrim, un proche lieutenant d'Abdelhafid Boussouf. Il nous parlera notamment des contacts que Mohamed Fartas avait établis avec certains membres de la résistance marocaine. Avec Hadj Bobo, membre de cette résistance, il se lança dans l'acquisition des armes. Lors d'une opération, ils seront interceptés à l'entrée de la ville d'Oujda par des soldats sénégalais sous drapeau français. Ils seront emprisonnés à Rabat. Pour les libérer, il a fallu l'enlèvement par des éléments de l'ALN et de la résistance marocaine d'un haut officier français qui servira de monnaie d'échange contre la libération de Fartas et son ami Bobo. Parce que «grillé», Boussouf décida de le mettre au vert et l'envoya à Nador. Après un emprisonnement de deux années en Espagne, pour des raisons à élucider, il sera définitivement versé dans le politique et écarté des activités militaires. Fartas maîtrisait la langue espagnole, ce qui lui permettait de se mouvoir aisément dans le nord du Maroc sous contrôle espagnol. D'ailleurs, sa fille Nacera, née au Maroc, avait l'espagnol pour langue maternelle, ceci pour une autre raison qui a un lien direct avec l'engagement militant de son défunt père.