Des klaxons dans la ville, des pétards et des drapeaux déployés et, sur-tout, des sourires sur tous les visages. Au bout de quatre-vingt-dix minutes, une vague de joie a submergé toutes les rues de toutes les villes et de tous les villages du pays. Même les non-amateurs de football - il s'en trouve, même en Algérie - n'ont pas résisté au plaisir communicatif procuré par la victoire du onze national sur son homologue égyptien. Il faut dire que l'avant-match contre les redoutables Pharaons était celui de toutes les appréhensions. L'équipe des Pyramides, qui n'est pas championne d'Afrique en titre par hasard, est une sorte d'épouvantail pour les footballeurs algériens. Les rencontres qui opposent les deux équipes sont traditionnellement marquées par une certaine tension et une rivalité particulière. Les origines du caractère de derby que prennent tous les matches avec les Egyptiens se perdent dans les sables de la mémoire. Selon certains experts dûment consultés, un certain sentiment de supériorité - Misr Oum Eddounia oblige - des footballeurs égyptiens auraient le don d'agacer au plus haut point la susceptibilité à fleur de peau qui caractérise, un peu trop d'ailleurs, les aficionados nationaux. Et puis, le mauvais souvenir d'un match au Caire, qui s'était terminé en queue de poisson judiciaire impliquant un joueur algérien, a longtemps plané comme un mauvais nuage sur l'ambiance des matches algéro-égyptiens. En tout cas, la nervosité est toujours de mise, au grand regret de tous les vrais sportifs qui se passeraient bien des débordements parfois provoqués, tant en Egypte qu'en Algérie, par les spectateurs ou même les joueurs. A la satisfaction de tous, la rencontre a été très correcte et les protagonistes ont fait montre de fair-play. La victoire obtenue dimanche soir, avec la manière et dans un excellent esprit, est d'autant plus appréciée qu'elle représente une étape dans le processus qui doit aboutir à la participation à la phase finale de la Coupe du monde. Ces conditions étaient plus que suffisantes pour l'expression d'une liesse populaire généralisée que seul aujourd'hui le football semble capable de provoquer. La grisaille du quotidien et la tristesse des jours sans illusion ont été levées l'espace d'une longue soirée de joyeuse pagaille par des vagues de supporters euphoriques, tous âges confondus. La fête était totale, démontrant aux plus réticents, pour qui le ballon rond a remplacé les jeux d'arènes romains, que le football est un incomparable pourvoyeur de bonheur collectif. Ce jeu se révèle être avant tout un spectacle efficace où les drapeaux et les hymnes nationaux sont les ingrédients d'une ferveur fusionnelle unique en son genre. On l'a vu et entendu : la morosité ambiante a été trop brièvement balayée un soir de juin dans le volcanique stade de Blida. La fugacité de l'instant n'empêche pas de l'apprécier et d'en redemander malgré les embouteillages et les nuisances sonores. La résorption même momentanée du déficit de bonheur collectif mérite bien cela. Le plaisir de voir encore ces sourires illuminer des visages habituellement renfrognés vaut tous les tapages nocturnes du monde.