Bis repetita placent. Les choses répétées plaisent. J'aurais aimé vous reparler de nèfles, en souvenir d'une chronique datant d'il y a deux ans mais aussi à cause d'un ami qui, d'Alger, m'a envoyé ces quelques mots il y a peu: «Les nèfles arrivent grosses comme un poing d'homme... succulentes... J'ai repensé à ta chronique en en mangeant» (*). J'ai donc relu ladite chronique, réalisant que je l'avais écrite quelques jours après la victoire de double-chou à l'élection présidentielle française. «Double-chou?» me demandez-vous. Oui, chouchou si vous préférez ou encore le mari de Carla si vous êtes trop long à la détente. Ah, juin 2007... A l'époque, le temps était aussi pourri que maintenant et la droite triomphait, persuadée à raison qu'elle allait aussi remporter les législatives. L'histoire se répète: Bis repetita placent... Les socialistes ont reçu la tannée aux élections européennes et semblent condamnés à subir le même sort que feu la SFIO. Faut-il pleurer sur leur sort? Certainement pas. Peut-être pas. Je ne sais plus. Est-ce être naïf que de croire à un sursaut, à un renouveau idéologique? Oui, c'est sûrement naïf. Il y a tout de même deux bonnes nouvelles. D'abord, la concrétisation de ce «besoin d'écologie» que l'on sent monter aux quatre coins de la planète. Réchauffement climatique, urgence de «décarboner» l'économie, de transformer le green business en réalité plutôt que d'user et d'en abuser pour les besoins de la com': autant de priorités qui attendent d'être portées sur le plan politique; qui attendent d'être conceptualisées. Cela pourrait s'appeler «politique de civilisation» mais double-chou a piqué l'expression à Edgar Morin et Sami Naïr. L'autre bonne nouvelle, que l'on espère surtout pas éphémère, c'est le naufrage du Modem. J'ai déjà dit tout le mal que je pensais des centristes mais je ne vais pas me priver de recommencer surtout quand on sait d'où viennent Bayrou et ses amis, pour la plupart échappés d'une droite qui ne disait pas toujours son nom, absolument pas gaulliste quand il s'agissait d'Algérie indépendante, enfants d'un Giscard dont on ne dira pas du mal. Par charité musulmane... Dans la lente recomposition des forces de gauche, dans ce qui pourrait naître de la montée en puissance du mouvement écologiste face aux socialistes, ses aînés d'hier qui n'en mènent pas large aujourd'hui, le Modem de Bayrou est une force perturbatrice, un retardateur qui empêche l'alchimie de s'opérer et cela pour le plus grand bénéfice de la droite triomphante. Et puis, il faut tout de même le rappeler: les électeurs du Modem choisiront toujours la droite face à la gauche. Et le PS perdra toujours des électeurs à chaque fois qu'il donnera l'impression de vouloir se rapprocher de Bayrou. Les nèfles donc. Elles viennent d'arriver d'Espagne, plutôt fades, pas assez sucrées et pas assez acides non plus. Elles sont conformes aux temps. Double-chou a gagné. Ses sbires, ses molosses, ses troupes, sa clientèle, ses obligés, ses quémandeurs, triomphent. Oui, bien sûr, il y a les chiffres, les projections. Le total de tous les partis de gauche laisse entrevoir un petit espoir pour l'avenir. Oui, peut-être. Mais double-chou est trop content, il trépigne, il annonce qu'il va continuer les réformes, que tout ne fait que commencer. Bigre! Deux ans à peine qu'il est là et on a l'impression qu'il règne depuis dix ans et qu'il est parti pour durer autant. Car, ce qui est accablant dans le résultat des élections européennes ce n'est pas tant le score de la gauche que l'intuition que chouaucarré a d'énormes chances de se faire réélire en 2012. Voilà un président au plus bas des sondages; voilà une crise financière et économique qui devrait bénéficier à ceux qui dénoncent les dérives du capitalisme (ou qui sont censés les dénoncer); voilà un modèle social français qui est en train d'être démonté pièce par pièce et, malgré cela, l'UMP a remporté les élections! Désespérant. Il paraît, nous expliquent de sérieux politologues et sondeurs, que l'antichouchouisme primaire a finalement servi le concerné. En clair, plus on lui tape dessus, plus on critique sa politique et plus on pousse les électeurs dans ses bras. Voilà qui est intéressant. C'est peut-être pour cela que ma double-la m'exhorte depuis plusieurs mois à ne plus dire du mal de son Excellence, monsieur le mari de Carla. Le peuple serait bon, il aurait un coeur gros comme ça et dans sa magnifique versatilité, il serait toujours enclin à prendre parti pour celui qui subit des attaques incessantes, fussent-elles fondées. Tout cela n'est que gentil baratin. Double-chou a parlé de sécurité et il a réussi à mobiliser son électorat et ceux qui n'attendaient qu'une occasion pour voter pour lui. Il ne vole pas les voix d'autrui, il ne manipule pas les électeurs. En réalité, et quelles que soient ses erreurs, il sait qu'il peut compter sur une large base, qui partage ses idées sur la sécurité ou, pour être plus général, sur les réformes qu'il entend imposer à ses concitoyens. Il n'y a pas lieu de se lamenter sur un quelconque accident de l'histoire. Double-chou est le vainqueur du scrutin parce qu'une partie des électeurs est à son image. C'est cela la réalité. Et c'est cela qui me permet d'affirmer que le règne de la droite semble bien parti pour durer d'autant que l'on sent de nouveau comme un courant d'air, une froidure qui s'installe et qui n'est pas uniquement provoquée par ces vestes que l'on entend craquer en se retournant... (*) Des nèfles, 17 mai 2007.