C'est devenu, hélas, un facteur incontournable de l'économie algérienne: la hausse des prix ne semble plus connaître de limites. Le fait est que l'emballement des prix des produits notamment agricoles et de large consommation ne semble plus avoir ni de raison ni de sens dans une conjoncture économique marquée par un recul drastique des recettes d'hydrocarbures et un fléchissement de la croissance économique. Avec moins de 30 milliards de dollars de recettes pétrolières en huit mois (contre plus de 50 MDS de dollars une année auparavant), une inflation galopante de plus de 5,4% à fin août dernier, l'économie nationale semble perdue dans l'océan de ses contradictions. Ainsi il en est des prix des produits agricoles dont la production cette année serait l'une des meilleures de ces dix dernières années, sinon depuis... 1887 pour les céréales. La mercuriale des produits agricoles reste ainsi orientée vers des hausses incompréhensibles, avec des cours astronomiques pour certains produits, comme la tomate qui a atteint les 80 DA/kg ou la pomme de terre qui ratisse les 40-50 DA/kg. Tout semble marcher selon le système des ambivalences dans l'économie algérienne: au moment où l'offre est abondante, comme pour les céréales avec 6,1 millions de tonnes produites cette année, les prix des produits céréaliers et dérivés atteignent des pics alors que les moissons-battage viennent juste de se terminer. Que penser encore des prix de la pomme de terre, véritable pomme de discorde entre le gouvernement et les producteurs, qui, en dépit des multiples et dérisoires mesures prises pour faire baisser le niveau, continue à se vendre autour des 50 dinars, sinon que les organismes de l'Etat sont incapables de quoi que ce soit dans la gestion du marché des fruits et légumes. Car il est incompréhensible qu'au moment où l'offre de produits est la plus abondante, les prix montent en flèche. Tout économiste nourri des valeurs keynésiennes et de l'économie de marché dira sans hésiter que le cas algérien est vraiment un cas d'école. Car comment lire, sinon interpréter la courbe ascendante des cours des principaux produits agricoles en l'absence de facteurs explicatifs cohérents, logiques dans un système économique, si tant est qu'il existe chez nous un tel système, autrement que par une faillite quasi généralisée de l'ensemble de l'économie nationale. Certes, la production agricole, contrairement à d'autres productions notamment industrielle, ou mécanique et même électronique, se porte bien, avec des produits de qualité et variés. Le mal se situe au niveau de la commercialisation, au niveau du marché qui serait, et cela depuis de nombreuses années, complètement incontrôlé. En tout cas pas par l'Etat, ni ses structures. Et, dans ce schéma kafkaïen, il y a la crise du mouton à venir. Déjà, la viande ovine est cédée autour de 900 DA, et jusqu'à 1.100 DA dans certaines villes, et la bonne pluviométrie et l'abondance des fourrages en vert feront que le mouton de l'Aïd sera rare sur le marché. En fait, certains connaisseurs du marché des bestiaux prédisent qu'il aura vraiment des cornes cette année. Dira-t-on, là encore, aux citoyens blasés d'aller vers les «boucheries collectivistes» acheter leur mouton de l'Aïd ? En Algérie, il est un fait admis : à chaque hausse des recettes pétrolières correspond une période de hausse inexpliquée de l'inflation, comme si l'économie nationale n'est basée que sur les exportations et la consommation, sans le trait d'union qu'est la production.