Oui, que s'y passe-t-il pour que, d'un coup, une escalade d'une intensité incroyable envahisse les studios des innombrables chaines de télévision du pays de Pharaon et pour que, défiant toutes les règles de la bienséance et de la pudeur, commencent à fuser des propos d'une extrême vulgarité, des insultes ahurissantes, des discours haineux, des paroles débordant d'irrévérence, d'impolitesse, d'arrogance et de mépris ostentatoires ? Tout cela s'est passé au moment où l'on croyait qu'allait s'éteindre enfin la flamme de la haine injustifiée, allumée par des animateurs pressés de faire dans l'audimat par des employeurs avides et cupides. Que s'est-il passé pour que nous soyons qualifiés de «barbares violents et agressifs» par les uns et de «faux frères» par les autres ? Une défaite lors d'un match de football, dusse-t-il être qualificatif pour une coupe du monde, mérite-t-elle tout ce remue-ménage auquel est venue s'associer même la télévision publique égyptienne depuis jeudi. Que s'est-il passé pour que les souffleurs du feu ne se soient pas privés, dans leur aveuglement incompréhensible, d'aller jusqu'à porter atteinte à l'Algérie, à son peuple, à son Président, à ses institutions, à son ambassadeur au Caire. Nous refusons de croire que ce soit la défaite dans une rencontre de football qui puisse, à elle seule, égarer à ce point des animateurs de plateaux même s'ils semblent qualifiés pour diriger des plateaux de danse plutôt que des débats ou des discussions de café. Et nous refusons de croire, bien entendu, que c'est le fait d'être privé d'aller au mondial qui puisse justifier un tel comportement médiatique qui, pour le moins que l'on puisse dire, s'avère être les plus indignes que le monde ait eu à constater. Le fait que la FIFA ait décidé d'ouvrir une procédure disciplinaire contre l'Egypte suffit-il pour que le monde soit ainsi chamboulé ? Est-ce suffisant pour que l'Egypte officielle convoque notre ambassadeur au Caire et rappelle son ambassadeur à Alger pour lui signifier son extrême indignation ? Mais qui a dit que seule l'équipe égyptienne doit gagner ? et au nom de quoi d'abord ? Jusqu'à preuve du contraire, ce sont nos joueurs qui ont été sauvagement agressés au Caire avant même d'avoir joué. Jusqu'à preuve du contraire, toutes les télévisions du monde, y compris celles arabes et à commencer par celle du Soudan, ont rapporté qu'aucune violence n'a été commise par les Algériens au Soudan, à part quelques égratignures insignifiantes de la tôle d'un bus. Contre tous, les chaines déchainées du Caire s'entêtent à foncer tête basse contre le mur de l'aveuglement. Les gesticulations grossières de certaines parties égyptiennes dont il serait déplacé de parler ici, et au vu de la disproportion des choses, cachent très mal les véritables motifs qui font bouger les uns et les autres. Dans quelque temps, sans doute pas très loin, ces chaînes auront pour devoir de convaincre les Egyptiens non seulement que la démocratie peut s'hériter mais qu'elle doit en plus l'être, et de manière fort légitime, par des gamins. Une telle mission, avouons-le, n'est pas facile et quoi de mieux pour juger de la capacité mobilisatrice de ces chaînes qu'un test grandeur nature ? Ce test, c'est justement ce qui est en train de se passer devant l'oeil ahuri d'un monde qui ne comprend plus rien à rien. Mais nous saurons dépasser sans doute grâce à la haute idée qu'a Bouteflika de la diplomatie et des relations, même souvent encombrantes, entre Arabes, cette douloureuse étape, encore une, parce que les vociférations scandaleuses et les agitations de quelques riens d'animateurs ne pourront jamais déplacer le centre de gravité de l'univers. L'Algérie, tous le savent, ne perd rien (bien au contraire) si elle venait à se défaire des liens avec l'Egypte. Mais, ni l'Algérie officielle ni le peuple Algérien ne posent pour l'instant de question à ce sujet, ce sont juste quelques agités de l'autre côté qui ont entraîné - et on sait comment maintenant - les pouvoirs publics jusqu'à tenir un conseil de sécurité national, c'est-à-dire un conseil de guerre, à protester officiellement et à rappeler l'ambassadeur égyptien. Espérons simplement que la maturité connue des responsables algériens prévale encore cette fois en attendant que nos frères grandissent et qu'ils se rendent compte finalement qu'on n'a pas toujours ce qu'on veut dans ce monde. Que même un match de foot peut être perdu et que ce n'est pas redécouvrir le monde que d'accepter une défaite, surtout lorsqu'on a l'habitude d'être défait par d'autres, sur des plans plus sérieux et plus graves que sur un stade de foot, et de manière continue. Si les médias égyptiens s'étaient mobilisés pour dénoncer les agressions sionistes contre Gaza et les Palestiniens, juste comme ils l'ont fait pour agresser les Algériens parce qu'ils leur ont ravi le ticket pour le mondial, les Israéliens auraient sans doute cessé leurs raids mortels contre les innocents. Mais bon, ce n'est pas la première bavure de nos frères et elle ne sera certainement pas la dernière, sauf que cette fois ils ont eu la latitude de se rendre compte que leur image à l'extérieur n'est pas celle qu'ils croient. Ce ne sont que des frères... rien de plus. Et si, à des frères, on tolère certaines choses, il faudrait tout de même savoir où s'arrêter. A bon entendeur salut !