A l'occasion de l'Aïd El-Kébir, les abattoirs, trop peu nombreux en France, ont été rapidement débordés. L'ambiance était à son comble lorsque les associations de défense des animaux se sont invitées dans ces lieux pour manifester leur refus de l'abattage rituel. Retour sur une journée très agitée. Vendredi 27 novembre 2009, jour de l'Aïd El-Kébir. Après leur prière du matin, Philippe et Toufik se rendent à l'abattoir de Jossigny, en Seine-et-Marne, dans la région parisienne, où attendent les moutons qu'ils ont commandés depuis déjà 10 jours. Le soleil perce malgré les nombreux nuages dans le ciel, l'air est frais et l'odeur de la campagne agréable. Aujourd'hui est un grand jour et les deux jeunes hommes le préparent comme la plupart des musulmans de France. Le CFCM (Conseil français du culte musulman) a transmis un communiqué selon lequel «le sacrifice des animaux doit se faire dans des abattoirs agréés, dans le strict respect de la législation en vigueur et des principes religieux qui régissent l'abattage rituel». Seulement voilà ! Chaque année, c'est le même constat : le nombre d'abattoirs destinés au sacrifice du mouton n'est pas suffisant au regard de l'importance d'un tel événement. Marseille, qui compte 500.000 musulmans, ne possède que deux sites officiels, et en Ile-de-France, la Seine-Saint-Denis n'a bénéficié d'aucune autorisation de site temporaire ! Le refus des autorités françaises de reconnaître cette pénurie d'abattoirs oblige de nombreuses familles à de longues files d'attente, parfois de plus d'une journée, devant des abattoirs bondés sous une météo hivernale. Contrairement à Philippe et Toufik, elles préfèrent parfois sacrifier les bêtes dans leur propre foyer. Chaque année, des associations de défense des animaux, comme celle de la Fondation Brigitte Bardot, s'insurgent devant de telles pratiques et dénoncent surtout la méthode de l'abattage rituel. Elles partent en croisade et défendent la nécessité de l'étourdissement de l'animal, moins traumatisante, selon elles. Le président de l'association ASIDCOM (Association de sensibilisation, d'information et de défense des consommateurs musulmans), Haj Abdel Aziz Di Spingo, n'est pas convaincu. Selon lui, plusieurs travaux scientifiques, notamment ceux des Français S. M. Pouillaude, de l'Ecole nationale vétérinaire de Toulouse, et Michel Luc, de l'Ecole nationale vétérinaire de Lyon, affirment que l'absence de douleur pendant l'étourdissement n'est pas solidement avérée. Pour les deux spécialistes, «rien n'indique que la décharge électrique ne soit pas elle-même douloureuse». Il ajoute que, «bien réalisé, l'abattage rituel est la façon la plus humanitaire pour mettre à mort un animal pour consommer sa viande». Le 9 novembre 2008, l'association ASIDCOM a organisé une formation gratuite dans la ville de Grenoble à l'intention «des pères de famille» sur «les bonnes pratiques en matière de sacrifice rituel et les exigences réglementaires relatives à l'hygiène, les risques pour la santé publique et l'environnement, la bien-traitance des animaux et la portée spirituelle de l'Aïd Al-Adha». Malgré le caractère pédagogique et préventif de cette formation, celle-ci, au dernier moment, a été annulée sur ordre du ministère de l'Intérieur. Brigitte Bardot a très largement influencé cette décision. L'ancienne actrice pense probablement que saigner un mouton n'est pas une méthode très catholique ! Qu'à cela ne tienne ! L'intolérance de la BB nationale contraste avec la grande ouverture d'esprit dont font preuve un grand nombre d'entreprises et d'établissements scolaires à l'égard de leurs concitoyens musulmans, en leur accordant souvent la possibilité de s'absenter pour participer à cette fête de fraternité et de solidarité. L'économie française, quant à elle, n'est pas en reste. Selon le ministère de l'Agriculture, 200.000 bêtes seront vendues entre le vendredi 27 et le samedi 28 novembre 2009. Les paysans du Jura, des Vosges et des autres régions éleveuses de moutons pourront respirer une bouffée d'air frais, leurs animaux se négocient jusqu'à 300 euros ! Malgré la file d'attente, Philippe et Toufik, ces deux visages de l'islam de France, finissent par quitter l'abattoir, leurs moutons dans le chariot, le sourire aux lèvres, se réjouissant d'avance à l'idée de partager cette viande avec leurs familles et les nécessiteux. Ils sourient et me confient : «Un jour, la France se souviendra peut-être que l'Islam est sa deuxième religion !». Site internet de l'association ASIDCOM : www.asidcom.org