La thèse selon laquelle le marché national de l'or reste en marge des cours mondiaux vient encore de se confirmer avec une envolée sans précédent des prix de l'or ouvragé aussi bien local qu'importé. Les prix affichés depuis plus de deux mois sont la parfaite illustration, un phénomène nouveau qui va à contresens de ce qui était connu à savoir les hautes et basses saisons. Ainsi, les bijoux locaux sont cédés entre 2.500 et 3.000 DA le gramme au moment où ceux importés sont vendus entre 3.000 et 3.400 DA le gramme. Sur cette aberration, Kouider Dani, le président de la Fédération nationale des bijoutiers, affiliée à l'UGCAA, fait remarquer de son côté que le cours de l'or sur la place mondiale est actuellement de 1.100 dollars l'once après avoir culminé jusqu'à 1.240 dollars. Cette sensible baisse ne s'est pas répercutée sur les prix de l'or au niveau du marché national caractérisé par le retour de la tendance du placement de la part de certains citoyens. Selon notre interlocuteur, la stabilité du prix du métal précieux depuis quelque temps s'explique par le fait que le FMI a mis wsur le marché 800 tonnes d'or, dont 400 ont été déjà vendus notamment à certains pays arabes du Golfe. Au plan national, cette hausse continuelle des cours a également fait apparaître une pratique nouvelle, à savoir une vente ouverte. Explications : à l'achat d'un bijou, vous avez deux choix, soit le payer au comptant avec possibilités de marchandage ou bien avec un échéancier de paiement avec, cependant, une réévaluation du prix lors du dernier versement. Sur ce point précis, M. Dani qualifie ce procédé de «malhonnête et qui va en contradiction avec la déontologie de toute activité commerciale du fait que le prix est fixé au départ et le bijou est retiré de la vente». Notre interlocuteur, tout en condamnant cette pratique illicite, rappelle que la vente par échéancier de paiement constitue 50 % de l'activité des bijoutiers. Notre interlocuteur a indiqué également que les cours mondiaux restent fixés par les gros pays producteurs, à savoir l'Afrique du Sud, l'Italie et la Russie qui ont créé une «OPEP de l'or» informelle et que les pays industrialisés ont tendance à ne plus considérer l'or comme une valeur de placement et qu'un crash du marché mondial avec une éventuelle baisse vertigineuse de son prix mettra plusieurs pays émergents dans des situations financières désastreuses. Le marché national continue de s'alimenter dans le circuit informel comme le prouve le recours des producteurs soit artisanaux ou à la chaîne vers l'or cassé vendu de nos jours à 2.000 DA le gramme. Sur ce plan, une virée dans les marchés de l'or, comme c'est le cas de M'dina Jdida, vous renseigne de la rareté de cet or cassé, étant donné, comme le fera remarquer un habitué des lieux, que les ménages considèrent que la différence de 1.000 DA entre l'or ouvragé et l'or cassé est importante et, par conséquent, vendre un ancien bijou pour en acheter un neuf demande des sacrifices financiers importants. Aussi, le marché national demeure caractérisé, et ce en dépit de tous les nouveaux instruments de contrôle mis en oeuvre, par le marché informel qui détient à lui seul 40 % de l'activité. Le chiffre annoncé par un responsable de l'UGCAA, il y a quelque temps, est synonyme de l'existence d'une importante quantité d'or contrefait. Le même responsable avait indiqué qu'«environ 15 tonnes d'or contrefait, de moins de 18 carats (entre 18 et 14 carats) et avec de faux poinçons, circulent sur le marché informel, ce qui représente 40 % de l'or circulant sur le marché parallèle, représentant quelque 30 milliards de dinars». Ces bijoux trichés sont soit importés frauduleusement soit fabriqués dans des ateliers clandestins qui échappent à tout contrôle. Les réseaux de contrebande s'approvisionnent notamment en Turquie, en Italie et en Syrie. Ainsi, le consommateur ne doit acheter de bijoux que chez les commerçants légaux et doit exiger la facture réglementaire mentionnant le titrage légal de 18 carats, ainsi que le poids du bijou. Dans ce cadre, une grande opération a été lancée pour sensibiliser les bijoutiers afin de ne s'approvisionner que chez des fournisseurs (artisans, producteurs, importateurs) connus, tout en leur exigeant les factures réglementaires et de n'acheter que des bijoux dont le titrage est conforme à la réglementation en vigueur. Quant aux effets de cette pratique frauduleuse, les estimations de l'UGCAA font état de 90 % des échanges commerciales qui proviennent de la contrebande et plus de 50.000 personnes travaillent directement avec des réseaux activant dans la distribution des produits de la contrebande, ou des produits contrefaits ou carrément des produits prohibés comme la drogue.