La «protesta» des travailleurs du complexe véhicules SNVI de Rouiba est partie pour durer. Les grévistes qui paralysent cet établissement n'ont pas d'interlocuteurs sur place avec qui négocier leurs revendications. La direction du complexe s'est déclarée à juste titre incompétente dans le conflit, pour la bonne raison que les revendications soulevées ne sont pas de son ressort. Rappelons que les salariés du complexe rejettent l'augmentation du SNMG de 3.000 dinars approuvée par la tripartite du mois de décembre 2009 et exigent le maintien de la loi de 1997 permettant de sortir en retraite proportionnelle. Mais il n'y a pas que la direction du complexe à être aux abonnés absents devant les frondeurs. La centrale syndicale à laquelle ils sont affiliés l'est aussi. Aucun de ses responsables n'a daigné faire le déplacement à Rouiba pour entendre et dialoguer avec les grévistes. Sidi Saïd a tout juste dépêché des observateurs, dont la position dans la hiérarchie de l'appareil syndical UGTA ne pouvait en faire des interlocuteurs valables aux yeux des protestataires. Il semble alors que les pouvoirs publics, approuvés par la centrale, ont opté pour le «pourrissement» du conflit, avec l'espoir que le temps viendra à bout de la détermination du collectif du complexe SNVI. Les grévistes sont conscients de cette situation. C'est pourquoi ils ont décidé de durcir leur mouvement en allant au-delà de la paralysie de leur complexe, pour porter leur contestation en dehors, et surtout en lançant un appel à la solidarité aux collectifs des autres établissements économiques de l'importante zone industrielle qu'est Rouiba. Un appel qui a des chances d'être entendu car le ras-le-bol et les revendications qu'expriment les travailleurs de la SNVI ne leur sont pas spécifiques. La zone de Rouiba est d'ailleurs réputée pour la solidarité syndicale qui règne entre les collectifs de travailleurs de ses entités économiques. En faisant la sourde oreille à la fronde qui couve à Rouiba, Sidi Saïd et ses collègues du secrétariat national de l'UGTA se déconsidèrent auprès de ce qu'il reste à leur organisation de base militante dans cette importante citadelle du syndicalisme qu'est la zone industrielle de Rouiba. Il faut reconnaître au secrétaire général de l'UGTA que dans ce conflit, il n'a aucune marge de manoeuvre, coincé qu'il est entre la radicalité des revendications exprimées par les grévistes et le consentement accordé par l'UGTA aux décisions gouvernementales qu'ils remettent en cause. Il y a tout lieu de penser que le conflit à la SNVI s'achemine vers l'impasse et qu'il est porteur du danger de dérapage dans le cas où les grévistes persistent, faute d'autre solution à le faire sortir du cadre de l'enceinte de leur complexe. La «trêve des confiseurs» aura été chez nous de brève durée. Preuve s'il en est que le pacte social et la paix du même nom que les autorités estiment avoir obtenus par le dialogue avec leurs partenaires sociaux auto-proclamés est une fiction à laquelle elles devront renoncer. Car la fronde sur ce front prend d'inquiétantes proportions, alors que l'UGTA n'est plus en possibilité de jouer au pompier, comme c'est le rôle lui ayant été imparti en échange de sa reconnaissance en tant qu'interlocuteur syndical exclusif du gouvernement.