Des appelés du contingent de l'armée française ont été exposés délibérément aux essais nucléaires menés par la France, dans les années 1960, en Algérie. Ces soldats ont été utilisés comme cobayes, lors des premiers essais nucléaires au Sahara pour «étudier les effets (...) produits sur l'homme par l'arme atomique», selon un rapport militaire dont le quotidien «Le Parisien» a publié, hier, des extraits. Ce « rapport confidentiel» intitulé «La Genèse de l'organisation et les expérimentations au Sahara» aurait été rédigé «par un ou des militaires anonymes» et «daterait de 1998», après l'abandon définitif des essais, selon «Le Parisien». Le document, précise le journal, porte sur les manœuvres «en ambiance nucléaire» effectuées, le 25 avril 1961 à Reggane, suite au dernier tir atmosphérique désigné sous le nom de code «Gerboise verte». Ces manœuvres engageant 300 soldats appelés issus des régiments situés en Allemagne, 42e RI et 12e régiment des cuirassiers, avaient pour but «d'étudier les effets physiologiques et psychologiques produits sur l'homme par l'arme atomique, afin d'obtenir les éléments nécessaires à la préparation physique et à formation morale du combattant moderne». Le quotidien français précise que le rapport relate avec précision la journée du 25 avril 1961. Il révèle que «la patrouille des militaires a vu sa progression stoppée à 700 m du point zéro (l'endroit où la bombe a explosé) et qu'un détachement d'engins blindés de reconnaissance a traversé la zone de retombées avant d'être arrêté à 275 m du point zéro». Interrogé par le journal, le ministre français de la Défense, Hervé Morin a reconnu que «certains essais ont donné lieu à des retombées radioactives», précisant, toutefois, que «les doses reçues lors de ces essais étaient très faibles». Le ministre a souligné qu'il ignorait l'existence de ce rapport confidentiel sur la manière dont furent pratiqués ces essais. Par ailleurs, «Le Parisien» a donné la parole à un ancien appelé, Lucien Parfait, gravement atteint par des retombées radioactives suite à l'explosion du premier essai nucléaire à Reggane. «Nous avons été les cobayes de l'atome. A l'époque, les hommes, ça ne comptait pas. On s'est servi de nous, mais le pire, c'est qu'ils nous ont oubliés, alors que dans leur logique, ils auraient pu continuer à étudier nos états de santé pour leurs expériences», a-t-il indiqué. Les révélations du journal français viennent s'ajouter aux autres dépassements évoqués, ces dernières années, par les deux documentaires de Djamel Ouahab «La Gerboise bleue» (2009) et de Djamel Benchiha «Vent de sable, le Sahara des essais nucléaires» (2008). Les essais nucléaires français dans le Sahara algérien, continuent de susciter de vives réactions au sein de la classe politique, des historiens et de la société civile en Algérie. La semaine dernière, les participants à une conférence historique sur les essais nucléaires français dans le Sahara algérien, organisée à Biskra, ont appelé l'Assemblée populaire nationale à «accélérer la promulgation de la loi criminalisant le colonialisme français». Les conférenciers ont souligné, au cours de cette rencontre que la France «doit assumer les conséquences de ses crimes en Algérie», lesquels «doivent faire l'objet d'une condamnation internationale en tant que crimes contre l'humanité». Les recommandations de la rencontre ont exigé de la France, la «reconnaissance officielle de ses actes odieux perpétrés contre les victimes algériennes utilisées comme cobayes lors des essais nucléaires, ainsi que l'indemnisation des victimes ou de leurs ayants-droit», en plus de «l'obligation pour le gouvernement français de débarrasser le Sahara algérien des restes radioactifs de ces expériences». De son côté, M. Ammar Mansouri, chercheur au Centre de recherche nucléaire d'Alger, a signalé au cours d'une conférence-débat qui s'est tenue la semaine écoulée que la France doit faire «preuve de transparence» sur ses essais nucléaires dans le Sahara algérien, entre 1960 et 1966 en levant le «secret Défense» concernant toutes les archives sur ces expérimentations. Plusieurs civils ayant vécu dans la zone saharienne sont venus témoigner de leurs handicaps à vie. L'avocate Fatima Benbraham, pour sa part, a assimilé ces essais à «un crime contre l'humanité» et «un crime d'Etat».