La Belgique est un pays étonnant. Vivant depuis des mois, voire des années, des épisodes successifs de crises politiques, le pays ne s'interdit rien pour vivre heureux. Encore plus cette fois-ci, alors que son gouvernement sortant assure la présidence tournante de l'UE et gère les affaires courantes du pays. Un week-end exceptionnel en Belgique. En plein «big-bang» politique, le pays s'est éveillé à la joie de vivre mettant de côté, pour un moment, la classique question existentielle «être ou ne pas être» pour la remplacer par celle qui met en avance celle du «paraître». Concerts de musique très hauts en couleurs, un peu partout à travers le pays, dont le principal a élevé ses planches devant le gigantesque bâtiment du Parlement européen à Bruxelles. La veille, le roi des Belges, Albert II, a reçu dans les serres du palais royal les responsables politiques wallons, bruxellois et flamands, ainsi que quelques centaines de citoyens jeunes et moins jeunes pour assister à un concert musical où le classique s'est mêlé au moderne du terroir belge. Deux raisons à cette envie festive : la présidence belge de l'Union européenne entamée le 1er juillet et le passage du tour de France cycliste dans le pays en deux étapes, l'une en Flandre, l'autre en Wallonie avec arrivée et départ de Bruxelles, capitale de tous les Belges. Les soirées ont rassemblé les Belges, Wallons, Flamands, Bruxellois et étrangers dans une sorte de tourbillon heureux et féerique terminé par des tirs de feux d'artifices aux allures boréales, c'est-à-dire beaux, insaisissables, rares. En journée de ce fameux week-end, le peuple belge est sorti en masse pour former une haie humaine ininterrompue le long des rues des villes et des routes nationales du pays. Drapeaux belges, wallons, flamands et étrangers ont salué le passage de la caravane cycliste du Tour de France. Dans ces moments de joie et de communion, le débat politique sur l'avenir du pays s'est fait discret. Les leaders des partis politiques qui ont gagné les élections législatives du 13 juin dernier, négocient jour et nuit les possibilités d'un gouvernement de consensus. C'est que les positions des uns et des autres sont si incompatibles que les Belges s'interrogent si le célèbre «compromis» belge réalisera, comme de coutume, un énième miracle politique qui permettra au pays de continuer à vivre ensemble. D'abord avec lui-même, ensuite avec le reste de l'UE, tant il est vrai que Bruxelles reste la capitale de l'UE, le siège du quartier général et du commandement militaire de l'Otan ainsi que bien d'autres Institutions internationales. Et puis, comme le sort fait parfois bien les choses, c'est un Belge, Herman Van Rompuy, qui est le premier président permanent (pour deux ans et demi) du Conseil européen, instance suprême de l'UE qui réunit les chefs d'Etat et de gouvernement des 27 pays de l'UE . Herman Van Rompuy était appelé, il y a un an à peine, à assurer la chefferie du gouvernement belge qui traversait alors une crise politique aiguë, pour les mêmes raisons que celles auxquelles il fait face aujourd'hui. Comme quoi, Herman Van Rompuy est, aujourd'hui, rattrapé par les «guéguerres» politiques de ces compatriotes jusqu'au sommet de l'UE. C'est un gouvernement sortant qui gère les affaires courantes en Belgique et celles de l'Union européenne. Que va-t-il se passer ? Pas grand-chose. Le pays tourne normalement. Les travailleurs vaquent à leurs occupations quotidiennes, ceux qui sont en vacances ont rejoint les édens touristiques en Belgique et ailleurs dans le monde, les terrasses des cafés, bars et restaurants font le plein en soirée, les magasins ont entamé la période des soldes, les théâtres et cinémas assurent les spectacles de fin de saison, les parcs publics sont, en ces jours de soleil exceptionnel, bondés de familles en pique-nique, de jeunes couples qui font la bronzette sur le gazon, aux côtés de jets d'eaux abondants le peuple vit. Le secret de cette façon de vivre et de dépasser les difficultés politiques ? La démocratie. C'est l'antidote aux partisans de la fin de la Belgique. Le «surréalisme» belge n'est pas si abstrait que cela. C'est, au contraire, un «réalisme» permanent, mais il est vrai, si difficile à saisir.