Fin décembre 2009, sur la base de la directive présidentielle n°3 «relative à la dynamisation de la lutte contre la corruption», le Premier ministère avait notamment instruit le ministère des Finances pour qu'il initie une révision des textes réglementaires des marchés et dépenses publics. Objectif : renforcer la transparence et la probité des procédures de passations de marchés publics. Dans ce contexte, le Conseil des ministres a notamment approuvé dimanche dernier un décret présidentiel portant réglementation des marchés publics. Selon le communiqué du Conseil, «il s'agit-là d'une profonde révision de la réglementation en vigueur depuis près d'une décennie, en vue de prendre en charge trois objectifs». Une série de dispositions ont été en effet retenues dont il est prématuré de dire si elles faciliteront la passation des marchés publics dans la transparence et la probité. En tous cas, la volonté y est. Le gouvernement a entériné «l'élargissement de deux à trois, du nombre des Commissions nationales des marchés, dont l'une sera chargée des travaux, l'autre des études et la troisième des fournitures et services, de sorte à réduire les délais d'examen des dossiers de marchés publics ». Parmi les autres dispositions intégrées dans ce décret présidentiel, on retient que le soumissionnaire à un appel d'offres public devra signer une déclaration de probité, et qu'il est prévu d'introduire «une clause anti-corruption notifiant aux soumissionnaires les sanctions pénales encourues en cas de violation de la législation pertinente». Dans l'avant-projet de modèle de déclaration de probité qui est en fait une déclaration sur l'honneur-, on peut lire que «le partenaire cocontractant déclare sur l'honneur que ni lui, ni l'un de ses employés, représentants ou sous-traitants, n'ont fait l'objet de poursuites pour corruption ou tentative de corruption d'agents publics», ou encore que le «partenaire cocontractant s'engage à ne recourir à aucune interférence, ni pratique immorale ou déloyale dans le but d'avantager ses offres par rapport aux autres concurrents». Cette déclaration de probité est exigible «pour tout type de marché, chaque fois que les deniers publics sont utilisés», prescrivait le Premier ministre aux membres du gouvernement. Par ce type de mesures, qui devraient être incluses dans le décret présidentiel «portant réglementation des marchés publics», le gouvernement entend mener, en amont, une guerre à la corruption. Le doigt dans le miel Le chef de l'Etat qui l'a instruit à ce propos précisait dans sa directive sur la corruption qu'il faut entendre par «marchés publics», «l'ensemble des contrats engageant des deniers publics, conclus par les administrations centrales et déconcentrées, les collectivités locales, les établissements publics, les entreprises propriétés de l'Etat ainsi que celles dans lesquelles l'Etat détient une part de capitaux». Autrement dit, là ou se trouve un contrat engageant des deniers publics, la vigilance devra redoubler. Cette refonte des procédures de passations de marchés publics survient alors que s'amorce la mise en œuvre du programme d'investissements publics, entre 2010 et 2014, de 286 milliards de dollars. «Lorsqu'on travaille dans le miel, on ne résiste pas à la tentation d'y mettre un doigt», avait dit en gros, dans un discours, durant la période des grands plans de développement des années 70 le président Boumediène. Aujourd'hui, il est admis que la corruption a gangrené la société. Il est reconnu qu'elle niche chez le plus grand pourvoyeur de ressources financières générées par les hydrocarbures: l'Etat. «Le code des marchés publics est synonyme de gestion des deniers publics et l'Etat se doit de rendre compte de cette gestion», estimait M. Yahiaoui, un expert en entreprises lors d'une récente rencontre-débat publique. A-t-on fait le bilan de la gestion des deniers publics de ces cinq dernières années ? Aujourd'hui, quelques timides voix avancent que les «RAR» («restes à réaliser», formule très usitée au temps de la planification centralisée) sont importants et que ce sont eux qui ont gonflé l'enveloppe du quinquennal 2010-2014. Y a-t-il eu des surcoûts de réalisation aussi importants, ou est-ce aussi des surcoûts liés au bakchich ? Le sujet est tabou. Mais ce sont les passations de marchés publics que l'on met au banc des accusés avec à la clef ce nouveau dispositif qui va être appliqué dès la promulgation du décret présidentiel. Peut-être permettra-t-il de verrouiller ou de mieux obstruer les canaux de la corruption ? Les signes extérieurs de richesse Il reste un autre niveau, en aval, dont on parle peu mais qui est largement évoqué dans la directive présidentielle n°3 : les signes extérieurs de richesse. Une série de pistes est tracée par le chef de l'Etat. Il instruit le gouvernement pour que «la déclaration de patrimoine doit être appliquée au cadre (à tous les niveaux) qui doit également déclarer les biens appartenant à l'épouse et aux enfants». La pratique des prête-noms est un secret de polichinelle tant elle s'étale sous les yeux des Algériens. Le chef de l'Etat veut également que les cadres présentent «régulièrement des mises à jour de leurs déclarations de patrimoine, en fournissant les justifications des évolutions de leur patrimoine individuel et familial». Or, on sait que tous les cadres concernés par la déclaration de patrimoine ne s'y sont pas pliés. Il y a une sorte de grève de la déclaration de patrimoine qu'observe la majorité des cadres concernés par cette obligation depuis 1997 à ce jour. Déjà, cette année-là, l'ordonnance Zeroual n'avait pas été totalement respectée, chacun trouvant matière à ne pas se soumettre à cette obligation de déclaration de patrimoine qui devait faire l'objet d'une publicité, y compris à l'échelon communal pour les élus locaux. Aujourd'hui, cette situation n'a pas tellement évolué. La directive présidentielle qui date du 13 décembre 2009 remet au goût du jour cette obligation d'exemplarité lorsque l'on est en charge des affaires publiques. Elle couvre plusieurs domaines dont les transactions immobilières au sujet desquelles elle souligne qu'elles doivent être encadrées par un dispositif réglementaire adapté parce que «elles revêtent un caractère sensible dans la mesure où elles permettent le blanchiment d'argent». A quand un fichier national informatisé des logements sociaux ainsi que des logements construits et vendus par l'Etat ?