L'annonce par la Russie, troisième exportateur mondial de blé, de la suspension de ses exportations jusqu'à la fin de l'année, en raison de la canicule qui provoque l'effondrement de ses récoltes, menaçant ainsi son marché intérieur de pénurie et de hausse des prix, a fait s'envoler le boisseau sur le marché international. D'autres mauvaises nouvelles, avant celle annoncée par la Russie, avaient déjà fait bondir à la hausse le cours du blé, notamment la prévision par les spécialistes que la production mondiale de blé pour 2010 allait être moins forte que les années précédentes. Pour la FAO, organisation de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture, l'interruption par la Russie de ces exportations de céréales crée «une situation sérieuse» sur le marché du blé ; et si la flambée des prix se poursuivait, elle pourrait causer des problèmes de sécurité alimentaire dans les pays pauvres. Les experts de cette organisation onusienne considèrent que la décision russe a fait «qu'une situation qui n'était pas grave est devenue maintenant sérieuse». Et cela risque d'empirer puisque d'autres pays exportateurs de blé, l'Ukraine et le Kazakhstan par exemple, risquent de voir eux aussi leurs récoltes affectées pour les mêmes raisons qu'en Russie. Néanmoins, la FAO ne fait pas dans l'alarmisme parce qu'elle estime que malgré les baisses de production mondiale de blé pour 2010 en raison de diverses causes, dont celle de la dévastation de la récolte russe, «le marché mondial du blé reste nettement plus équilibré que lors de la crise en 2007-08 et les craintes d'une nouvelle crise alimentaire mondiale ne sont pas justifiées à ce stade». La précision «à ce stade» indique cependant que la FAO n'exclut pas que la situation pourrait se dégrader. Car il faut compter avec la spéculation à laquelle une telle situation pourrait donner lieu de la part d'autres pays producteurs et exportateurs. Il n'est pas impossible que les pays détenteurs de stocks refusent de les mettre sur le marché pour que la hausse des prix enclenchée se poursuive à l'avantage financier de leurs producteurs nationaux. Ce qui aura pour effet une augmentation des prix qui, dans les pays pauvres et à bas revenu, causera des problèmes graves comme en 2007-2008, quand la flambée des prix des produits alimentaires avait frappé de plein fouet ces pays pauvres, provoquant des émeutes de la faim. De cet horizon inquiétant, l'Algérie est provisoirement à l'abri. Ces deux dernières années, le pays a en effet eu d'exceptionnelles récoltes de céréales qui le dispensent d'importer à grande échelle ces matières, dont il a été jusque-là l'un des plus importants demandeurs sur le marché mondial. Et pour que l'Algérie, en cette période favorable pour elle en terme de stocks de céréales dont elle dispose grâce à ses récoltes nationales, n'ait pas à subir les fluctuations spéculatives à l'œuvre sur le marché mondial, il faudrait que nos industriels de la filière céréales et dérivés renvoient l'ascenseur aux pouvoirs publics qui, en optant pour le «patriotisme économique», ont pris des mesures protectionnistes favorables à la production nationale et institué le principe de la préférence nationale face à la concurrence étrangère. Un retour d'ascenseur sous la forme du renoncement à leur approvisionnement en céréales sur le marché international, et donc acheter, produire et vendre algérien autant que possible.