Djahid Dine Hanini a su parfaitement coller aux suppliques de « Au secours ! théâtre, viens à mon secours », le message international rédigé cette année par Ariane M'nouchkine à l'invitation de l'Institut international du théâtre et diffusé à l'occasion de la célébration de la Journée mondiale du théâtre. Avec son monologue Le virage, Dine révèle ses talents d'auteur, de metteur en scène et une autre facette de son art de la comédie, lui que l'on connaît surtout dans des rôles tragiques. Dans cette création, le comédien fait une large démonstration de son aisance dans le registre du comique. Le Virage flétri l'imbécillité « d'où qu'elle vienne », une imbécillité plutôt tragique que bête et méchante qui loge au sein d'un système éducatif national. Le sinistre de ce dernier est passé à la moulinette d'un humour féroce où la caricature force à peine le trait de la réalité. La pièce déroule une suite de situations tragicomiques dans le parcours initiatique, un parcours du combattant, de l'écolier, du collégien, du lycéen et de l'étudiant. Le comédien met à nu tous les dysfonctionnements inhérents aux programmes, aux hommes et femmes chargés de les appliquer ainsi qu'à toute la bureaucratie qui y gravite autour. Une foisonnante galerie de portraits est dressée à travers une faune de personnages aussi tristes que loufoques. Le rire est garanti à chacune des boutades débitées à un rythme qui donne le tournis, le tournis constant que vit le personnage central. La mise en scène est nue de tout artifice, tout le poids de la représentation repose sur le comédien évoluant sous une lumière crue. Il n'a pour accessoire qu'une gabardine qu'il plie et reprend pour figurer des objets ou des personnages. Si ce choix met en valeur la performance d'acteur, un acteur tenu de remplir pleinement l'espace et de meubler efficacement le temps, cela s'est fait, peut-on regretter, au détriment des silences qu'appelait par moment la gravité du propos. Ceux-ci auraient pu faire respirer au spectacle un autre souffle dans le registre pathétique qui surgissait faisant passer le spectateur fugitivement du rire jaune à l'émotion. Il reste que Le Virage qui se voit avec plaisir, mérite de passer sur tous les campus d'Algérie. Il mérite surtout d'être vu par tous les parents d'étudiants. Ils ne pourront pas dire : « Ah, si je savais ! ». Toujours est-il qu'en programmant ce spectacle, la direction et la maison de la culture de Témouchent ont réussi à marquer d'un éclat particulier la journée du 27 mars.