Voilà venu enfin le moment de vérité, celui de l'évaluation qualitative de nos offres e formation particulièrement depuis que le controversé LMD a forcé les portes de nos Universités, poussé par le vent de la globalisation, de la mondialisation ou encore celui l'internationalisation. Copier/coller sur une matrice qui a longtemps servi de serpillères pour se moucher un nez qui disparaît au fil des jours. Combien a-t-on formé de cadres dans les Universités depuis l'indépendance ? Où sont-ils et que font-ils ? Mutisme sur la question puisque personne ne s'y est jamais intéressé et les pouvoirs publics se sont toujours contenté de parer aux urgences, sous la pression d'une démographie assassine, qu'aucune politique n'a pu arrêter, si ce n'est celle de la précarisation croissante. Que l'on s'adonne aujourd'hui à l'évaluation qualitative de nos Université est en soi louable et les expériences menées de par le monde sont à plus d'un titre riches en enseignements. Mais il faut en définir les contours, les objectifs et surtout une méthodologie adaptée, pour éviter d'en faire une opération tape à l'œil. Comme d'habitude. Evaluer est un apprentissage en soi, de techniques qui obéissent certes au bon sens, mais avec des objectifs clairs. En fait pour des pays où la formation supérieure a des traditions, des modes de fonctionnement qui les ont propulsé vers la modernité, les questions liées à l'évaluation qualitative ont permis une progression des méthodes pédagogiques, une Recherche Scientifique orientée vers l'autosuffisance puis l'exportation, grâce à un mode de gouvernance où l'Etat se désengage des nominations des responsables. Le président de l'Université, le recteur ayant une autre définition, représente la communauté universitaire auprès de l'Etat et pas l'Etat auprès de cette même communauté. Nous sommes loin, très loin de cette option bien que des Universités maghrébines fonctionnent sur ce mode depuis qu'elles ont été évaluées. Les «enquêtes d'habilitation», ce filtre policier qui conditionne les nominations dans les postes supérieurs de l'Etat, fait des nominés à un poste, des redevables aussi bien envers le «filtre» qu'envers le gouvernement. Dans un système d'évaluation qualitative les candidats à un poste de responsabilité relèvent du ressort du Conseil d'Administration ou d'une structure apte à choisir son chef et ne sont pas forcément des académiciens. Ils peuvent venir du monde des affaires, du monde de la culture, du monde politique. Ils sont choisis par rapport à leurs capacités à mobiliser des ressources propres et à atteindre des objectifs chiffrables, même si l'Etat apporte une contribution financière conséquente allant parfois jusqu'à 70% du budget. Ceci explique pourquoi on hésite à mettre en œuvre des systèmes d'évaluation depuis 2003 date de parution du décret portant organisation des structures du Ministère de l'Enseignement supérieur. Une sous-direction de l'évaluation avait pour rôle de remplir cette mission depuis 7 ans. Pourtant l'Algérie s'était inscrite dans des programmes Européens de type Tempus pour acquérir les techniques développées en France et qui on porté leurs fruits en Tunisie et au Maroc. L'objectif consistait à faire certifier les diplômes d'ingénieurs et les hisser au niveau européen. Car de nos jours on certifie une formation tout comme on certifie un bien ou un service. C'est ce qui fait l'attraction vers une Université et pas vers une autre. C'est ça la mondialisation. Le danger c'est qu'avec un diplôme aux normes internationales, ou du moins européennes, un ingénieur peut devenir candidat à l' «immigration positive» aux frais de l'Etat qui le forme. Il aura un diplôme certifié et reviendra moins cher en rémunération que son équivalent en Europe ou ailleurs. Qui restera au pays formateur ? Lourde question, lourdes conséquences pour qui devine ce qui risque de se passer, mais qui est tout de même indispensable pour la survie du LMD et par extension pour celle de l'Université Algérienne. On est loin de l'évaluation des places pédagogiques diversement estimées, du nombre de lits et de repas au service de l'étudiant, du nombre de bus et de bien d'autres préoccupations anatomiques qui font le lit des grèves et autres «perturbations». Il reste que l'évaluation telle qu'elle est conçue selon les différentes écoles, implique dans tous les cas la mise en œuvre de programmes étalés sur une période plus ou moins longue avec des incidences financières conséquentes. La capacité pédagogique de l'enseignant n'y est pas absente et plutôt mise en évidence pour parvenir aux résultats attendus. La question reste de savoir comment convertir des diplômés recrutés selon une grille définie par la Fonction Publique en enseignants, et de là, en enseignant-chercheurs. Selon le «communiqué définitif» de l' «audition annuelle» relative au secteur de l'Enseignement Supérieur nous aurions 38.000 enseignants dont 7401 de rang magistral qu'il s'agira aussi d'évaluer. Par qui ? Certainement pas par les «filtres» habituels mais bien par des procédures anonymes où le copinage, la famille, la patronymie, l'alliance conjoncturelle ou durable s'effacent devant la norme. Pourquoi ? Parce que dans le système d'évaluation il y a deux étapes fondamentales. La première consiste à collecter les données caractéristiques de l'établissement évalué pour tester sa capacité à se connaître en répondant à des questions quantitatives qui nécessitent dans certains cas beaucoup de temps. Cette étape peut être franchie par les moyens internes de chacun. La deuxième étape est moins faciles à traverser parce qu'elle fait appel à un œil extérieur d'experts de renommée parfois internationale. Et quand il s'agir d'un regard extérieur et de surcroit international l'Algérie n'aime pas cela. L' «entre-nous» est une règle chez nous. Alors comment faire de l'évaluation en silence, sans passer par une autocritique et encore moins par le regard indiscret de l'étranger toujours prêt à nous porter préjudice en mettant en péril notre grandeur ? Deux solution ; ou bien retirer ce qui a été annoncé à grand coup de pub et accepter le discrédit. Ou alors procéder par étape en prenant un établissement ou deux et en leur sein un domaine ou deux et faire tourner les principes de l'évaluation en corrigeant au fur et à mesure avant de généraliser l'opération. C'est une affaire sérieuse à laquelle il faut accorder du temps en la plaçant au centre des préoccupations. Les feux de paille prennent vite et s'éteignent vite.