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Alain Rolland, président de la Chambre de commerce et d'industrie Suisse-Algérie, à MAGHREB EMERGENT et Quotidien d'Oran : "Les investisseurs suisses n'ont pas encore pris la juste mesure du potentiel algérien"
La Suisse n'est pas une puissance industrielle comme son voisin du Nord. Elle n'en demeure pas moins active sur le marché algérien. Plus par l'exportation que par l'investissement ? Comme tous les autres partenaires du pays. Sauf que Alain Rolland, le président de la chambre de commerce et d'industrie Suisse-Algérie, a envie que cela change. Difficile avec une conjoncture qui, avec le plan quinquennal 2010-2014, plaide encore pour les contrats de service et le commerce plus que pour les IDE. Quels sont les principaux investissements directs réalisés par les sociétés suisses en Algérie ? Il faut noter que dans ce domaine les sociétés suisses n'ont pas encore pris la juste mesure de l'énorme potentiel d'investissement qui s'offre à elles. Ceci étant, on perçoit des signes d'intérêts de plus en plus perceptibles. Je citerais notamment :- le groupe suisse Valartis, qui vient d'investir au travers de la Société des Centres Commerciaux d'Algérie (SCCA) 100 millions d'euros dans la réalisation à Alger du plus grand centre commercial au Maghreb, et qui caresse d'autres projets de ce type dans le pays. - la société Mediterranean Shipping Company Algeria (MSCA) qui a réalisé un investissement de 28 millions de dollars US en 2009 pour la construction de structures extra portuaires et la mise en place des équipements de levage, de transport et de manutention - la société Nestlé Algérie qui réalise une usine de conditionnement de lait en poudre et qui a conclu un accord de partenariat à travers la Société Industrielle de production Alimentaire El Djazaïr (SIPAD).- la Société Nestlé Waters qui exploite une usine de production d'eau minérale.- la SGS qui a investi dans le rachat d'une société algérienne de contrôle de la qualité. - la société Phillip Morris qui a investi avec un partenaire étranger. Donc, la dynamique est ainsi engagée. Parallèlement, les multinationales suisses sont bien implantées et activent dans le commerce et la fourniture d'équipements. Parmi ces grandes sociétés, on peut citer ABB, Novartis, Syngenta, Garaventa, Buhler, Hilti, Swatch, Panalpina avec une percée du secteur du rail qui est devenu un grand fournisseur des chemins de Fer Algériens à travers la société Stadler. Quels conseils donneriez-vous aux investisseurs suisses pour être plus présents en Algérie ? Il y a d'abord un effort d'information à faire en direction du monde des affaires; le potentiel est là, les opportunités d'investissement énormes dans les secteurs d'activité où les Suisses excellent. Pour l'industrie pharmaceutique par exemple, les importations annuelles de médicaments ne représentent pas loin de trois milliards de dollars US essentiellement assurées par les sociétés étrangères ! La production algérienne ne couvre à elle seule qu'à peine 20% de la demande en médicament. C'est donc un créneau d'investissement sûr pour les 80% restants ! En tant que leader mondial dans l'industrie pharmaceutique, la Suisse a une carte à jouer. Mais il existe d'autres créneaux d'investissements aux sociétés suisses dans le cadre de la mise en œuvre du programme d'investissement lancé pour 2009/2014 avec une enveloppe de plus de 286 milliards de dollars US. Les entreprises suisses sont concernées par de nombreuses activités liées au programme du bâtiment : industrie du bois, appareillage électrique, peinture, électroménager, etc. Dans le secteur de la santé, il est prévu la réalisation de 500 hôpitaux. Les secteurs de l'environnement et des énergies renouvelables ne se sont pas en reste. Des projets importants sont prévus pour l'alimentation en énergie solaire et photovoltaïque notamment dans les régions du Sud le long des autoroutes, les relais et les agglomérations. Dans la filière de traitement des déchets enfin, il y a là encore un potentiel énorme d'investissement. Ma dernière recommandation porte sur la capacité à s'adapter aux spécificités locales. Pour les projets de taille moyenne il faut pouvoir s'appuyer sur un partenariat pour les facilités et les avantages évidents qu'il représente : connaissance de l'environnement juridique, facilitation dans les démarches administratives, accès aux terrains d'assiettes, rapidité d'exécution des investissements, capacités de distribution, financements par les banques algériennes, etc. Où en est la coopération institutionnelle entre la Suisse et l'Alger et comment la Chambre de commerce algéro-suisse, que vous présidez, compte-t-elle renforcer les relations économiques bilatérales ? Il y a d'abord un flux d'échange commercial appréciable. La moyenne annuelle cumulée tourne autour de CHF 1 milliard, ce qui place la Suisse dans le peloton des pays européens ; ces chiffres sont pratiquement constants, au cours du premier semestre 2010, un volume d'échange d'environ CHF 500 millions a été enregistré. Le potentiel d'échange entre les deux pays reste cependant beaucoup plus important, notamment pour couvrir la demande du marché algérien dans plusieurs secteurs. Plusieurs accords ont été signés entre la Suisse et l'Algérie depuis 5 ans dans le but de renforcer les échanges. Cela concerne la promotion et la protection des investissements, une convention de non double imposition, un accord sur la libre circulation des personnes, une déclaration de coopération signée en vue d'un accord de libre-échange AELE-Algérie, un accord sur le remboursement anticipé de la dette algérienne. Du côté suisse, plusieurs fonds régionaux de capital risque, gérés par l'agence financière suisse de développement (SIFEM) participent à une coopération économique en Algérie. L'objectif pour notre organisation pour les deux années à venir est de mettre à exécution un programme de communication et de sensibilisation multiforme en direction de la communauté des hommes d'affaires suisses en collaboration avec la Chambre Suisse-Afrique, l'OSEC, les organisations patronales suisses et algériennes et l'appui des Ambassades des deux pays. Nous sommes conscients que ce déficit d'information porte préjudice au développement de ces relations. Il est prévu d'organiser des journées techniques et des missions d'affaires comprenant un programme de promotion de la destination " Algérie ". Pensez-vous que le climat de l'investissement en Algérie est propice après toutes les mesures de patriotisme économique prises par le gouvernement algérien ? Cette question revêt une actualité évidente au regard des ajustements récents apportés en matière de commerce et d'investissements étrangers. Ces récents développements sont intervenus dans un contexte de crise financière internationale qui s'est installée dans la durée et qui ont amené les pouvoirs publics en Algérie et dans beaucoup d'autres pays à revoir leurs copies avec une plus grande intervention des Etats dans les affaires économiques. L'Algérie n'échappe pas à cette règle, frappée elle aussi de plein fouet par les conséquences de la crise financière et de la récession économique mondiale qui s'en est suivie, notamment par rapport aux recettes tirées des exportations de pétrole et de gaz. La démarche de réappropriation relative de la décision économique à travers une politique adaptée aux contraintes du moment entre dans ce cadre. Il s'agit essentiellement de diminuer la facture des importations qui ont marqué une évolution exponentielle ces dernières années, facilitée par une ouverture tous azimuts. Elles ont mis en danger des milliers de PME algériennes mal armées pour se battre contre une concurrence impitoyable des marchés asiatiques, et d'une reformulation des conditions liées aux investissements étrangers. J'aimerais toutefois rappeler que l'Algérie en comparaison d'autres pays offre de nombreux avantages aux investisseurs. L'Agence Nationale de Développement des Investissements (ANDI) est un organisme très dynamique qui oriente l'investisseur et le soutient véritablement. Ce qui est important dans la démarche c'est de pouvoir démontrer que l'on vient en Algérie dans le but de transmettre des connaissances, un savoir-faire. En effet, la particularité algérienne est qu'il n'est pas fondamentalement demandé aux partenaires étrangers de ramener des capitaux, les banques algériennes sont là pour répondre aux besoins de financement des projets envisagés.