De Marrakech où il participe au Forum économique mondial sur la région MENA, le patron du groupe français Renault a laissé entendre que le projet d'une usine de montage à Rouïba n'était pas définitivement enterré. «La décision définitive n'a pas encore été prise, mais on en débat, on en discute toujours», a indiqué Carlos M. Ghosn, le PDG du groupe français qui est en tête des ventes en Algérie. Les plus optimistes y verront une «relance» d'un projet dans le cadre des démarches politiques algéro-françaises, qui ont vu la désignation de Jean-Pierre Raffarin et Mohamed Benmeradi, ministre de l'Industrie, de la PME et de la Promotion, pour s'occuper de l'économie. Les moins enthousiastes n'y verront qu'un coup de pouce à la mission de M. Raffarin. Un coup de pouce à peu de frais puisqu'il ne s'agit que de paroles de la part du PDG du constructeur français. On connaît à peu près les «obstacles» qui ont fait que le projet de Renault a pratiquement été enterré. Le constructeur français aurait eu des exigences difficilement acceptables pour le gouvernement : rétablissement du crédit automobile et conservation de l'exclusivité des ventes des véhicules produits à Rouïba. On imagine parfaitement les commentaires si le gouvernement avait cédé sur sa mesure phare de juillet 2009 qui consistait à interdire purement et simplement le crédit à la consommation. Même si on y gagne une usine censée produire 50.000 voitures pour le marché local, la concession aurait été perçue comme l'octroi d'un privilège qui peut sembler excessif. La question du rétablissement du crédit à la consommation - certains estiment qu'il serait judicieux de l'autoriser pour tout ce qui est produit localement - ne peut être qu'une mesure globale et non un cadeau à une entreprise donnée. On peut d'ailleurs se poser la question de la pertinence économique de l'exigence de Renault. Fabriquer des voitures en Algérie, avec des gains fiscaux découlant de l'encouragement à la production locale et une main-d'œuvre peu chère, lui aurait permis d'être encore plus concurrentiel et d'élargir sa part de marché. A l'époque, Abdelhamid Temmar, alors ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements, a laissé entendre qu'il fallait se chercher un autre constructeur que le français. «Nous avons perdu du temps dans cette affaire, autant aller vers le meilleur ». L'affaire a été considérée comme close. Il reste que pour les spécialistes, le premier constructeur important qui s'installe en Algérie raflera la mise. Le gouvernement algérien est en effet en train de rétablir, autant que faire se peut, toutes les protections possibles pour la production locale. Le groupe Renault se positionne-t-il dans cette perspective ? Les propos de son PDG à Marrakech sonnent comme un rappel qu'il n'a pas définitivement renoncé à implanter une usine en Algérie, comme tout semble l'indiquer. On s'en doute, la sortie de M. Ghosn ne va pas susciter d'enthousiasme excessif à Alger. Après tout, on reste dans des projections purement théoriques et des paroles en l'air. Le concret de Renault est à Tanger, pas à Rouïba. Les propos de M. Ghosn ne devraient pas dissuader les responsables algériens de regarder ailleurs , avec ou sans Raffarin.