A trois reprises la semaine écoulée, les Algériens ont eu l'opportunité d'observer le chef de l'Etat, dont l'effacement et le silence depuis des mois sont causes d'interrogations pour beaucoup et sujets à fermes spéculations dans les milieux politique et médiatique. Bouteflika a en effet successivement inauguré le Salon international du livre à Alger, présidé l'ouverture de l'année universitaire à partir de Ouargla et celle de l'année judiciaire au siège de la Cour suprême. La débauche d'activité en un laps de temps si réduit n'a en rien pourtant dissipé l'impression qu'ont nos concitoyens que le Président est contraint au «service minimum» dans l'exercice de ses charges. Que ce soit à l'inauguration du SILA, lors de sa visite à Ouargla ou à la Cour suprême, Bouteflika leur est apparu désincarné, accomplissant de façon mécanique ses obligations présidentielles, mais surtout déconnecté des problèmes qui font actualité dans l'opinion nationale. Le chef de l'Etat a eu pourtant deux tribunes, face aux universitaires et au corps judiciaire, à partir desquelles il aurait pu, outre les développements de circonstance, aborder certains de ces problèmes qui sont en débat public. Il s'est limité à de brefs discours au contenu circonscrit à l'évènement les ayant provoqués. Rien d'étonnant si par conséquent, le chef de l'Etat ayant certes rompu en ces circonstances son silence, ses compatriotes persistent à extrapoler sur son comportement par des supputations diverses. Celle que Saïd Saadi a avancée récemment, à savoir que le pays connaît une situation de fin de règne, fait son chemin dans l'esprit d'une large frange de citoyens. A tort où a raison, cette partie de nos concitoyens en est à voir dans le blocage évident dans lequel est le pays la conséquence de l'absence de l'autorité présidentielle et des luttes de pouvoir auxquelles elle donne lieu dans les sphères dirigeantes. Ce ne sont pas les récentes apparitions publiques du chef de l'Etat, ni les discours auxquels il s'est astreint en l'occasion qui les convaincront du contraire. Après les prestations publiques de Bouteflika, ils ne sont au contraire que plus enclins à prendre pour argent comptant les spéculations et rumeurs faisant état de manœuvres engagées, préparatifs à une succession qui est déjà dans le calendrier des «faiseurs de rois». Dans cette ambiance délétère que connaît l'Algérie, les débats qui ont lieu à l'Assemblée populaire nationale ne sont d'aucune indication pour le citoyen lambda. La «représentation nationale» est dans le brouillard opaque de ce qui se déroule en haut lieu. Les députés, qui par le biais de questions pouvant donner matière à Ahmed Ouyahia d'esquisser un «parler vrai» sur la situation qui prévaut dans le pays, en seront pour leurs frais lors de sa séance de réponses et tous les Algériens avec eux. Pour ceux qui ont sincèrement cru qu'un troisième mandat présidentiel de Bouteflika allait permettre de propulser le pays vers le développement économique, en même temps que se mettrait en place une forme de gouvernance qui associerait les citoyens à ce qui touche à l'avenir de l'Algérie, leur espérance est en train de se fracasser au constat du climat de blocage et de grandes incertitudes qui pèsent sur le pays depuis sa réélection.