En matière de conjoncture économique, il y a toujours un mot à la mode qui court sur toutes les lèvres et dans les colonnes des journaux. En ce moment, on ne parle ainsi que de «rééquilibrage» de l'économie mondiale. Un thème qui sera forcément à l'ordre du jour lors de la prochaine réunion du G20, les 11 et 12 novembre à Séoul. La situation est simple : une bataille des monnaies est en cours, chaque pays cherchant à défendre sa compétitivité, et il est urgent d'y mettre fin car c'est bel et bien la reprise de l'économie mondiale qui est menacée. L'Amérique dicte sa loi… Le problème, c'est que tout le monde n'a pas la même définition de ce que devrait être ce rééquilibrage et cela vaut surtout pour les Etats-Unis. On sait que Washington est décidé à faire baisser la valeur du dollar. C'est le sens de l'orientation de la politique monétaire de la Réserve fédérale (Fed) qui va, pour la deuxième fois depuis la crise de 2008, intervenir directement sur le marché en achetant des titres publics dont des bons du Trésor américain. Cette politique «d'assouplissement quantitatif», que l'on désigne aussi par le terme QE2 soit «Quantitative easing, épisode 2», a pour but de doper l'économie dont la croissance est jugée trop molle. Dans les faits, cela revient à injecter des liquidités ou, pour être plus direct, à faire fonctionner la planche à billets (un procédé que les Etats-Unis peuvent se permettre du fait de la position dominante du dollar dans le monde). En clair, l'Amérique veut créer de l'inflation pour sauver son économie quitte à ce que cette hausse des prix soit exportée dans le monde. A l'inverse, une bonne partie de la planète, dont les pays émergents, préférerait un mécanisme inverse avec, pourquoi pas, une déflation aux Etats-Unis (ce dont ne veulent absolument pas les dirigeants américains ainsi que Wall Street). Comment ce bras de fer va-t-il se terminer ? Les pays émergents vont-ils accepter de voir le dollar baisser de manière continue et saper leur compétitivité ? Jusqu'à quand l'Union européenne va-t-elle s'accommoder d'un euro fort qui menace sa cohésion ? Il est évident qu'un ajustement va avoir lieu. Il reste à savoir qui sera le gagnant du bras de fer en cours. Il y a dix ans, voire même cinq, la question ne se serait même pas posée du fait d'une inéluctable victoire américaine. Mais aujourd'hui, les choses ont changé. Les pays émergents sont les moteurs de l'économie mondiale et certains d'entre eux, comme le Brésil ou la Chine, n'ont pas l'intention de rendre les armes facilement. En tout état de cause, la crise monétaire actuelle est un moment crucial qui influera sur l'évolution de l'économie mondiale au cours des prochaines années. … Mais jusqu'à quand ? Mais même si les Etats-Unis l'emportent - ce qui reste le plus probable - il n'en demeure pas moins que des modifications profondes sont enclenchées. L'une d'elles concerne le commerce international et sa monnaie de référence. Jadis, devise incontournable dans les échanges entre pays émergents, le dollar voit son leadership attaqué de tous les côtés. C'est le cas par exemple en Turquie, où les autorités souhaitent que le commerce avec la Chine se fasse en livre turque ou en yuan. L'Afrique du Sud, le Brésil et, à un degré moindre, la Russie sont sur la même ligne. C'est tout l'enjeu de ce début de siècle. Si le dollar perd tout ou une partie de sa prégnance, les Etats-Unis ne pourront plus faire subir aussi facilement les conséquences de leur politique économique au reste du monde.