Mouloud Feraoun, cet illustre écrivain, s'il était encore en vie, n'aurait pas apprécié que l'on ait pu donner son nom à l'ex-Cité Perret qui illustre bien et résume à elle seule ce qu'est devenu le parc immobilier à Oran. Dix ailes, dont neuf de 16 étages, abritant 927 logements et presque 7.000 habitants: une ville concentrée dans une cité. Et à cette même proportion de ce gigantisme concentré, le délabrement est tout aussi outrancier. La crasse formant une épaisse couche sédimentée sur le parterre du grand passage, les eaux usées qui dégoulinent de partout, une humidité qui rend mal à l'aise, des caves inondées et devenues un vrai vivier de maladies, avec les rats qui en ont fait un lieu de prolifération. Et la liste est encore longue du délabrement porté à son extrême. Pour avoir une idée de cela, en 2008, une opération de volontariat menée par une association locale avait permis l'enlèvement de 800 tonnes de détritus. 800 tonnes de détritus ! Calcutta n'aurait pas fait mieux Cette gigantesque construction date de l'année 1956. Après l'indépendance, passées sous la main des biens-vacants, des ailes ont été affectées aux agents de l'ex-RTA, dont le siège et les antennes de transmission diffusaient à partir de ces tours et d'autres ailes vers la défunte DNC. Il y avait même des coopérants techniques étrangers qui y habitaient. Tous les appartements n'étaient pas occupés et d'après les témoignages recueillis, il faisait bon y vivre. Après 1981, date de la cession des biens de l'Etat, c'est le laisser-aller total: chaque habitant se consacrera à son intérieur, laissant dépérir les parties communes. Dans les années 80 et 90, c'est le creux de la vague avec la réputation d'endroit mal famé, avec la délinquance en tout genre, crimes et divers délits. En 2007 et 2008, un projet de réhabilitation bénéficiera d'une enveloppe financière assez conséquente. Des travaux furent menés comme l'installation d'ascenseurs, le ravalement des façades, le renouvellement de la chaussée et l'éclairage nocturne à l'extérieur. Mais pour les membres du comité de cité, ces travaux ont été bâclés et n'ont fait qu'empirer les choses. Pour MM. Hamdad Ali et Benaouda Saïd, «il ya encore du pain sur la planche avec ces travaux menés à la va-vite». Et encore plus, «nous avons saisi l'administration de l'ex-RTA pour opérer des travaux de nettoyage dans le grand local qui est encore sous sa propriété : ce garage de 700 m² est fermé, mais il continue de recevoir toutes les eaux usées de la cité. Il est inondé constamment, constituant un réel danger d'affaissement et les rats pullulent en toute tranquillité. Le président affirme encore «avoir saisi toutes les autorités et organismes: wilaya, daïra, OPGI, entre autres, pour venir à bout de ce délabrement». «Le local de l'ancien Souk El-Fellah, délaissé lui aussi, est devenu un repaire de délinquants», ajoutent nos interlocuteurs, qui semblent bien perdus au milieu de tout ce désordre. Pour la maintenance des ascenseurs, les habitants de chaque aile se débrouillent entre eux pour réparer, car contracter une convention de maintenance revient trop cher, d'après M. Hamdad. Dans le passage, il y a plein de commerces, il y a une mosquée entretenue par les habitants de la cité, une crèche et une salle de sport, mais « cela ne suffit pas pour rendre les lieux décents», affirment nos interlocuteurs, qui insistent sur «la rénovation du garage de l'ex-RTA et le Souk El-Fellah qui restés fermés et abandonnés, «devenus problématiques pour l'hygiène générale». Questionnés sur les habitants qui campent le rôle d'eternels assistés, ils avouent que «ces derniers ne cotisent pas automatiquement, sauf pour les ascenseurs». Car, comme chacun le sait, celui qui habite en hauteur est obligé de débourser pour la réparation. Mais pour les autres charges comme l'électricité des parties communes ou d'autres actions, femmes de ménage, concierge ou gardien, c'est laissé à l'appréciation de chaque aile. Et il faut l'avouer au passage, il a été fait le constat de jet d'ordures ménagères par les balcons sur la terrasse située en dessous, ainsi que le rejet d'eaux usées. L'incivisme des habitants est évident dans ce cas. Pour ce faire et en vue d'une réhabilitation totale et exhaustive en premier lieu, les habitants doivent y adhérer, avec peut-être 200 dinars par mois, comme il se fait un peu partout, et surtout pour l'Etat «qui doit choisir des entreprises sérieuses». Pour les seuls ascenseurs, «chaque fois les câbles éclatent», affirme le président du comité, car le matériel « importé de Chine ne vaut pas par la qualité», concluent nos deux interlocuteurs, qui espèrent présenter un plan d'action aux autorités, comme ils l'ont fait auparavant, et qui sera suivi, ils l'espèrent, d'actes concrets pour rendre à cette cité son lustre d'antan.