Faire une révolution sans faire couler du sang et sans rien casser , juste en sortant en même temps son argent des banques En ces temps de disette en matière de perspective politique, l'ancien joueur de football Eric Cantona a fait le «buzz» en lançant cette idée de révolution pacifique contre les banques. Même s'il n'a pas été suivi, l'intérêt qu'il a suscité au sein d'une opinion européenne confrontée à la crise économique et à une reprise bien plus théorique que réelle, est révélateur. En son temps, le comique Coluche avait fait des vagues quand sa vraie-fausse candidature aux élections présidentielles de 1981 a pris un tour étonnamment sérieux quand il apparut que les sondages d'opinion créditaient le «candidat à la candidature» de 16% des intentions de vote. Aujourd'hui, le sentiment populaire est exprimé par l'ancien footballeur de talent Eric Cantona, attaquant vedette de Manchester United des années 90 et à jamais «King Eric» pour les supporters. L'ancienne gloire, reconvertie depuis dans le cinéma, a appelé début octobre les épargnants à retirer leur argent des banques pour punir ces dernières de leurs turpitudes et de leurs responsabilités dans la crise. Le «king», se lançant dans un dribble économico-politique, avait glissé à un journaliste: «La révolution, aujourd'hui, se fait dans les banques. Tu vas à la banque de ton village et tu retires ton argent. Et s'il y avait 20 millions de gens qui retirent leur argent, le système s'écroule. Pas d'armes, pas de sang, rien du tout ». Par le miracle du net, ce qui aurait dû rester une vue de l'esprit dans une conversation très libre est devenu un «buzz», c'est-à-dire une rumeur qui s'est propagée à la vitesse de la lumière en prenant tous les jours un peu plus d'importance. Au point qu'un groupe d'internautes a lancé un mot d'ordre: «Le 7 décembre, retirons notre argent des banques !» sur des réseaux sociaux. Selon les animateurs de cette campagne, plus de 34 000 personnes se seraient engagées à retirer leurs économies à la date prévue, 26 000 iront «peut-être» et 425 000 sont «en attente de réponse». L'impact, bien que significatif, ne peut en aucune manière menacer les banques. Comme le soulignait l'ombrageux footballeur, il faudrait que 20 millions de déposants retirent en même temps leurs fonds pour que le système soit mis en péril. Mais les banques et leurs relais médiatiques n'ont pas du tout apprécié l'idée «cantonesque» : beaucoup ont évoqué, avec les mines graves de circonstance, le risque d'une dévastatrice mais très hypothétique «panique bancaire». L'écho de la proposition de Cantona a surpris les observateurs, qui constatent que si le coup franc contre les banquiers tiré par Eric Cantona n'est pas entré dans une cage formidablement défendue, le ballon n'est pas passé si loin du cadre. Le flamboyant attaquant a mis en lumière l'exaspération générale devant des banques inhumaines qui sortent indemnes d'une crise qu'elles ont provoquée et dont elles sont les uniques bénéficiaires. Mieux et plus clairement que de nombreux politiques, le footballeur a su traduire le ressentiment populaire. Et si les sifflets des banquiers se font entendre, ils ne parviennent pas à couvrir les applaudissements des tribunes.