Théoriquement à partir du 1er avril prochain, ce n'est pas un «poisson d'avril», tous les paiements au-delà de 500.000 dinars devront se faire par chèques ou virements bancaires. La mesure du gouvernement de M. Ahmed Ouyahia a été décidée au mois de juillet dernier, dans le sillage de l'élaboration de la loi de finances complémentaire 2010, pour lutter notamment contre le blanchiment d'argent, les transactions illicites et améliorer la bancarisation. Mais, à moins de trois mois de l'entrée en vigueur de cette mesure qui deviendra vite impopulaire auprès des milieux d'affaires préférant le «cash», le débat commence sur sa capacité à éliminer, comme le veut le gouvernement, les transactions illicites. Un peu sceptique sur son pouvoir d'éliminer d'un «coup de baguette magique» les transactions financières «underground» qui brassent des dizaines de milliards de dinars sans passer par le circuit bancaire, le délégué général de l'Association des banques et établissements financiers (Abef), M. Abderrahmane Benkhalfa, cité par l'APS, estime que la mise en œuvre de cette mesure «va progressivement mettre fin aux opérations de payement par cash». Le débat actuel au sein des experts est le suivant: cette mesure va-t-elle réellement mettre un terme aux transactions financières en liquide ? Selon M. Benkhalfa, «il ne faut pas commencer à dire que le processus est difficile, car avec la modernisation des moyens de paiements, nous allons réconcilier les banques avec la clientèle mobilisable, ensuite il faut s'attaquer à l'informel». Il ajoute que «c'est la stratégie arrêtée dans tous les pays du monde en matière de bancarisation, qui est de récupérer progressivement la sphère informelle». Selon lui, «la sphère bancarisée en Algérie à récupérer par cette mesure est énorme'', et avance un chiffre de 26 millions de comptes bancaires et CCP. Mensuellement, plus de 700 milliards de DA d'opérations financières sont traités par chèque au niveau interbancaire, indiquent des chiffres du Premier ministère communiqués en juillet 2010 lors de l'annonce de cette mesure. Cash contre chèque: la grande bataille Avec l'application de cette mesure, «l'utilisation du cash pour échapper à la traçabilité deviendra une exception et non pas la règle, et l'exception sera traitée par des voies d'exception», affirme par ailleurs M. Benkhalfa. Mieux, selon lui, ce mode de paiement va augmenter les ressources financières des établissements bancaires, et diminuer «la manipulation de liquidités et des billets suspects et partant sécuriser les transactions financières». Pour autant, l'application de cette mesure, qui entrera en vigueur le 1er avril, ne devrait pas éliminer d'un seul revers de main les paiements en liquide de plus de 500.000 dinars, ni mettre les adeptes, et ils sont nombreux, du «cash» dans une position inconfortable. Car cette mesure gouvernementale ne touchera que les transactions officielles, ou concernant le secteur public. Les paiements individualisés, comme l'achat de voitures d'occasion, de génisses ou de moutons, pour ne prendre que ces exemples, ne seront pas «bancarisés» du jour au lendemain. D'autant que tous les banquiers algériens reconnaissent que le système bancaire national est toujours vieillissant, et que les virements bancaires mettent un temps fou pour être endossés par leurs bénéficiaires. Quant aux virements par chèque, c'est souvent une attente au-delà d'une semaine. Et puis, dans la mentalité algérienne, le chèque et les virements bancaires ne sont pas encore des outils financiers très utilisés en dehors des canaux officiels. La mesure du gouvernement d'interdire les transactions de plus de 500.000 dinars autrement que par les circuits financiers ou bancaires officiels sera mise à rude épreuve: féroce bataille en perspective entre le cash et le chèque, alors qu'ailleurs, c'est plutôt la «CIB» (carte interbancaire) qui rassemble les pour et les contre le chèque.