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Ben Ali, ce n'est pas encore fini
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 16 - 01 - 2011

Il y a tout lieu de rester prudent quant à l'issue trouvée après le départ précipité de Ben Ali vers une destination quasi évidente, l'Arabie saoudite.
Pourtant, il y a quelques jours et par la bouche de Michèle AlliotMarie, le gouvernement français a proposé le savoir-faire à la police tunisienne pour «régler les situations sécuritaires», ce qui a soulevé quelques indignations en France mais aussi en Tunisie. La France démontre ainsi et après le refus catégorique de recevoir le maître de Carthage diplômé de Saint Cyr et de la Senior Intelligence School que l'amitié a des limites et que les intérêts français passent avant tout. Mais, pour les Tunisiens de l'intérieur, là n'est pas la question. Le problème c'est que le remplaçant de Ben Ali, qui est natif de la même région que lui, est aussi l'un des patrons de son parti politique, le Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD). La mise en œuvre de l'article 56 de la Constitution est dangereux pour la suite des évènements si l'on considère que la rue a exprimé le vœu de changer le régime et pas seulement un homme par un autre, comme de coutume dans les pays arabes et africains. Il édicte qu' «en cas d'empêchement provisoire, le Président de la République peut déléguer par décret ses attributions au Premier ministre à l'exclusion du pouvoir de dissolution de la Chambre des Députés». Monsieur Ghanouchi gère donc par délégation et n'a même pas le droit de dissoudre la chambre des députés à majorité RCD. Il reste ainsi constitutionnellement dépendant de Ben Ali. Une confusion règne pour le moment alors que les collectifs d'avocats à la tête des révoltes continuent son action pour passer à l'article 57 de la même Constitution qui énonce le cas de la vacance du pouvoir. La Tunisie se trouve dans une situation qui n'est ni un coup d'état militaire ni un changement révolutionnaire par la rue. L'armée reste muette ou n'a probablement pas encore trouvé le leader qu'il faut, celui qui fait consensus. Il s'agit de savoir jusqu'à quand. Le peuple tunisien veut de la démocratie et il en a payé le prix ces derniers jours, et lourdement. Notons que la société civile tunisienne s'est développée et s'est organisée à l'ombre des projets de développement introduits par des instances internationales durant de longues années. Est-ce que les Tunisiens vont se suffire du départ du président et de son remplacement par son collaborateur le plus proche mais aussi le plus fidèle ? Certainement pas.
Les ondes de choc de l'aventure tunisienne se feront certainement ressentir dans d'autres pays arabes où l'Europe et les USA souhaitent voir s'instaurer de véritables démocraties. En témoignent les félicitations adressées par Obama au peuple tunisien une fois assuré du changement. En témoigne la déclaration à Doha de la Secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton qui a appelé les dirigeants arabes à «promouvoir les réformes» et déclaré que «les peuples de la région étaient lassés de la corruption, au moment où la Tunisie et l'Algérie voisine sont secouées par des troubles sociaux». Déclaration lourde de conséquences et qui en dit long sur les intentions des puissances occidentales de mettre à exécution les stratégies du projet d'un GMO, qu'on croyait tombé dans les oubliettes.
Si les Tunisiens ont remporté la bataille contre une famille au pouvoir et brisé le mur du silence, il leur reste à présent à remporter une bataille constitutionnelle contre le champ de mine qu'a laissé Ben Ali après sa fuite. La rue reste le seul moyen et le plus efficace pour le moment, car il faut retenir que même si les dictatures se sont trouvé des formes de démocratie sur mesure qu'elles peuvent opposer aux rappels à l'ordre des Européens et Américains durant ces vingt dernières années, elles restent dans le fond des dictatures.


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