La bataille pour la Libye, engagée par les insurgés contre le régime de Kadhafi, reste marquée par l'indécision. A la progression des insurgés vers l'ouest du pays répond les opérations des fidèles de Kadhafi qui se concentrent sur les villes proches de Tripoli. Le clan Kadhafi tente visiblement de sanctuariser Tripoli, alors que la position internationale du régime ne cesse de s'affaiblir. Hier, le «Conseil national» mis en place par l'insurrection, en vue de hâter la chute du régime et préparer une transition politique, devait tenir sa première réunion formelle. Il ambitionne de se placer comme seul représentant légitime des Libyens, en attendant la chute définitive du régime. Pour des raisons de sécurité, ni l'heure, ni le lieu de la réunion n'ont été divulgués. Alors que les insurgés progressaient à l'ouest en prenant le contrôle de l'important port pétrolier de Ras Lanouf, dans le golfe de Syrte, les forces fidèles à Kadhafi ont lancé une contre-offensive contre la ville de Zaouïyah qui se trouve à 50 km à l'ouest de Tripoli. L'attaque, menée par deux bataillons, aurait fait 7 morts et des dizaines de blessés. Certaines sources avancent un chiffre beaucoup plus lourd d'au moins 30 civils tués. Les combats se déroulaient encore dans la journée de samedi. Les pro-Kadhafi ont affirmé avoir « libéré» la ville, mais les insurgés ont repoussé l'assaut. Le chef militaire de l'insurrection à Zaouïah, Hussein Darbrok, a été tué dans les combats, a annoncé un porte-parole des insurgés. «Ils sont entrés dans Zaouïah à 6h, ce matin, avec des moyens importants, des centaines de soldats appuyés par des chars. Nos combattants ont riposté (...) Nous sommes sortis vainqueurs pour le moment et des civils sont en train de se réunir sur la place», a dit Youssef Chagan, porte-parole des insurgés. Mais la situation restait très dangereuse. Les insurgés avancent vers l'ouest Les insurgés accusent les forces de Kadhafi de s'attaquer aux civils qui tentent de fuir vers les villages voisins. Il semble que les insurgés aient réussi effectivement à repousser l'attaque mais les forces pro-Kadhafi assiègent la ville en installant des barrages aux sorties, probablement dans l'attente de renforts. «Nous avons subi deux offensives de l'est et de l'ouest de la ville, de la part de la katiba (bataillon) de Khamis [fils du colonel Kadhafi] et celle [du bataillon] de Hosban. Maintenant nous sommes en état de siège des deux côtés», a indiqué un médecin qui se disait «en état de choc». D'autres informations font état de dizaines de morts et de très nombreux blessés dans l'explosion de dépôts de munitions dans la banlieue/est de Benghazi. Au sud de Benghazi, les batteries antiaériennes entre les mains des insurgés sont entrées en action pour empêcher les avions de frapper des cibles à Ajdabiya. Des centaines de volontaires sont arrivés à Ajdabiya pour faire face à une attaque éventuelle des bataillons de Kadhafi. La veille, au terme d'une journée de combat, les insurgés ont pris la ville de Ras Lanouf, terminal pétrolier qui se trouve à 660 km à l'est de la capitale, Tripoli, à mi-chemin entre les villes de Syrte et Benghazi. Des sources hospitalières ont fait état de 8 morts et 20 blessés. Les autorités libyennes ont démenti la chute de Ras Lanouf, mais les informations convergentes confirment la version de l'insurrection. Dans la journée du samedi, les insurgés ont poursuivi leur progression en direction de l'ouest et sont arrivés dans l'après-midi, à Ben Jawad, à une trentaine de kilomètres de Ras Lanouf. «Nous les avons repoussés au-delà de Ben Jawad et aujourd'hui nous allons les pilonner jusqu'à ce qu'ils repartent à Syrte», a déclaré un officier qui a rejoint l'opposition au début de la révolte qui a débuté le 15 février en Libye. Ben Jawad se trouve à 90 km à l'est de Syrte, la ville natale du dirigeant Mouammar Kadhafi, dont la chute aurait un effet psychologique considérable. Et surtout le signe que la propre tribu de Kadhafi l'a lâché comme le lui demandent avec insistance les insurgés qui soulignent qu'ils font partie du tissu social libyen et de son avenir. Le CPI et Interpol pointent Kadhafi et son clan Le régime a demandé au Conseil de sécurité de l'ONU de suspendre les sanctions adoptées samedi dernier contre Kadhafi pour cause de répression «jusqu'à ce que la vérité soit établie». Dans une lettre adressée au Conseil de sécurité, le régime souligne que le recours à la force contre les manifestants a été «minimal» et que le gouvernement était «stupéfait» par les sanctions adoptées dans une résolution samedi. Une lettre pour la forme car la position internationale du régime s'affaiblit chaque jour davantage. Jeudi, la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé l'ouverture d'une enquête pour crimes contre l'Humanité à l'encontre de «Mouammar Kadhafi et de son cercle rapproché, dont certains de ses fils». Interpol est intervenu à son tour vendredi en lançant une alerte pour les polices mondiales visant le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi et 15 autres membres de son entourage. Interpol ne demande pas aux 188 Etats membres de son organisation d'arrêter ces 16 Libyens mais met à leur disposition des informations les concernant. La «notice orange» d'Interpol les avertit aussi du «danger que représentent les déplacements de ces personnes et de leurs avoirs». Il s'agit de les «aider» à appliquer les sanctions décidées par le Conseil de sécurité des Nations unies», le 26 février, notamment l'interdiction de voyager et le gel de leurs avoirs. Mais selon le «Financial Times», le régime continue à percevoir des «centaines de millions de dollars» au titre des exportations. Celles-ci, selon l'AIE (Agence internationale de l'énergie), a chuté «d'environ 1 million de barils par jour», contre une production quotidienne de quelque 1,6 million de barils habituellement. Au plan humanitaire, plus de 191.000 personnes, selon l'ONU. Quelque «191.748 personnes, principalement des travailleurs immigrés, ont quitté la Libye à ce jour», a indiqué le Bureau de coordination des Affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), dans un rapport citant des chiffres de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Jusqu'à jeudi, 104.275 personnes se sont réfugiées en Tunisie, 85.000 ont rejoint l'Egypte et 4.000 sont entrées en Algérie, a précisé OCHA dans ce rapport daté de vendredi. Mais la prise de contrôle des points de passage à la frontière tuniso-libyenne par des forces fidèles à Mouammar Kadhafi a ralenti le flot de réfugiés, avertit OCHA.