Le silence observé par l'UE sur la guerre en Libye cache mal qui mène, réellement, les opérations militaires. L'Union européenne est, depuis samedi 19 mars, muette sur la crise libyenne. Un silence inexpliqué et mystérieux. La dernière déclaration de l'UE sur le sujet remonte au vendredi 18 mars, lorsque Mme Catherine Ashton, la représentante aux Affaires étrangères, s'est déclarée « satisfaite de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'Onu qui autorise l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne en Libye». Certains observateurs expliquent ce silence par les désaccords au sein de la famille européenne sur l'utilisation de la force armée contre le régime de Kadhafi. L'Allemagne, premier contributeur au budget de l'Union, a manifesté son opposition à la voie militaire pour stopper la répression en Libye. Rappelons que l'UE avait suspendu, le 22 février, ses accords commerciaux et diplomatiques avec le régime du colonel Kadhafi et voté, le 28 février, un régime de sanctions allant d'un embargo sur les armes au gel des avoirs bancaires et jusqu'à l'interdiction de visas aux dirigeants libyens. Cependant, l'offensive et la prise de commandement des opérations militaires contre la Libye, par deux de ses principaux membres que sont la France et l'Angleterre, rejoints par l'ensemble des autres pays, excepté l'Allemagne, posent un vrai malaise politique à l'UE et remet à la surface l'éternel construction de la politique de défense commune européenne (PESD). La guerre menée actuellement contre la Libye brouille la lecture de la conception de la PESD dont se réclame l'Union. Car, si ce sont des pays européens identifiés qui mènent les opérations en Libye, il reste que les Américains sont au front avec leurs avions Awacs, leurs drones et missiles Tomahawks. Dans les faits, c'est l'armement de l'Otan qui est utilisé. Mme Catherine Ashton a résumé, la veille du déclenchement de l'offensive militaire contre la Libye, que « chacun doit se conformer à son rôle : l'UE dans le chapitre politique et l'Otan dans celui des armes. » Un écart de langage diplomatique révélateur de l'inexistence d'une quelconque doctrine de la défense européenne et de sa totale dépendance dans ce domaine de l'Otan. Faut-il rappeler que l'Otan a précisé qu'elle n'a pas été sollicitée, en tant que tel, pour intervenir en Libye et qu'elle répondrait à toute sollicitation du Conseil de sécurité ou de l'UE ? Pourtant, les avions de combat européens décollent des bases italiennes et turques de l'Otan et les bâtiments de la 6ème Flotte américaine lancent des missiles sur la Libye. En réalité, ce sont les armes et structures de l'Otan qui sont utilisées dans la guerre contre la Libye, sans le proclamer officiellement. Et jusqu'à l'Allemagne qui annonce sa neutralité dans cette guerre, alors que c'est de son centre de Stuttgart que les opérations sont coordonnées. En clair, l'Otan mène les opérations militaires au nom de l'UE, sans que cette dernière le proclame publiquement. S'il est vrai aussi que cela ne change rien à la situation de guerre en Libye, il n'en reste pas moins que le rôle des Américains, c'est-à-dire les vrais patrons de l'Otan, apparaît au grand jour. Le président français Nicolas Sarkozy, épaulé par l'allié privilégié des Américains, David Cameron, s'apparente à celui du sous-traitant, du « soldat» exécutant une mission définie ailleurs. Le silence de l'UE observé depuis le début de la guerre en Libye est tel que la réunion de ses ministres des Affaires étrangères, qui s'est ouverte hier (lundi), indique, en marge de son ordre du jour, la question libyenne. Parions que la réunion au Sommet (chefs d'Etat et de gouvernement), prévue jeudi et vendredi prochains à Bruxelles, se contentera de prouver que les Occidentaux ont réussi, conformément à la résolution 1973 de l'ONU, la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne en Libye et qu'ils s'affairent à acheminer l'aide humanitaire aux Libyens, sans plus de commentaires sur qui, en réalité, mène les opérations militaires contre Kadhafi.