Les précisions et clarifications développées en conseil des ministres par le chef de l'Etat en guise de réponses aux réactions et interrogations ayant suivi dans la sphère politique son annonce des réformes qu'il compte entreprendre, n'ont pas levé les réserves et préventions qui sont exprimées sur les «intentions cachées» que le pouvoir voudrait réaliser par le biais du projet de réformes. Pour certains acteurs politiques, déjà plein de préventions à l'encontre de la sincérité de Bouteflika et du pouvoir à vouloir initier un réel programme de réformes allant dans le sens de l'ouverture politique et de la démocratie, ce qu'a détaillé le Président en conseil des ministres est pour eux la confirmation qu'il n'y a rien de positif à attendre de ce qui est en préparation dans la «cuisine» du pouvoir. De fait, l'on ne peut qu'être pour le moins dubitatif après avoir pris connaissance du mode opératoire décliné par le chef de l'Etat, qui sera celui suivi pour conceptualiser ces réformes et les mettre en œuvre. Un mode opératoire disposant que le Président statuera seul en dernier ressort de ce que sera le contenu final des réformes. Que c'est lui seul qui désignera les membres de la commission compétente en charge de la préparation du projet de révision de la Constitution. Qu'enfin, c'est l'actuel gouvernement qui est chargé de la responsabilité de préparer les projets de lois découlant du programme de réformes politiques. Pour toute concession et geste de bonne volonté, le Président s'est engagé sur une vague consultation de la classe politique et du mouvement associatif. Consultation dont les limites sont déjà fixées à partir du moment où il a chargé de sa conduite le président du Sénat, Abdelkader Bensalah, connu pour être réfractaire au changement remettant en cause la nature du système en place. Ce qui est visé à travers toutes ces dispositions, c'est que Bouteflika garde la main sur le processus des réformes pour qu'il ne débouche pas sur la remise en cause du statu quo politique, dont la perpétuation est la seule garantie de survie du système et du régime. La question qui se pose, maintenant que l'on sait de quelle façon le pouvoir entend mener le programme de réformes annoncées, c'est celle de savoir si la politique de la chaise vide, pour laquelle certaines formations et personnalités politiques opteront très certainement, va de quelque façon le dissuader de mener son projet de réformes à terme. Ces partis et personnalités risquent, ce faisant, de se voir soupçonnés de ne pas vouloir dialoguer avec le pouvoir et de privilégier la confrontation avec lui. Pour beaucoup d'Algériens, les réformes que projette de réaliser le pouvoir sont certes insuffisantes, en deçà des attentes qu'ils ont en ce domaine. Mais à ne pas rejeter catégoriquement car elles sont de nature à favoriser l'avancée démocratique dans le pays. C'est aussi de cette façon qu'elles sont perçues par les partenaires étrangers de notre pays. Le pouvoir ne se résoudra à «revoir sa copie» que dans le cas où la rue l'y obligerait en lui faisant savoir qu'elle ne veut pas de réformes, mais une révolution fondatrice d'une nouvelle République et d'un nouveau système. Les partis qui s'en tiennent à cet objectif ne sont pas en capacité de mobiliser pour cela l'opinion et la rue. Ils ne sont donc nullement en situation de faire obstacle au passage en force que le pouvoir va faire pour réaliser des réformes qui, tout en donnant l'illusion que les choses vont changer dans le pays, atteindront l'essentiel voulu par leur initiateur, qui est, sinon de pérenniser le système et le régime, du moins d'assurer leur maintien pour une période plus ou moins longue dans le temps.