La France durcit davantage les conditions d'accueil des travailleurs immigrés. Pour contrer l'immigration légale des travailleurs, deux ministres français ont discrètement battu le rappel des troupes des préfets, hier, pour les exhorter à appliquer scrupuleusement une circulaire qu'ils venaient de cosigner. Les préfets français sont sommés de travailler sur la base de cette instruction qui énonce une nouvelle liste de conditions drastiques à respecter pour délivrer des autorisations de travail. Claude Guéant, en charge de l'intérieur et de l'immigration qui a cosigné cette instruction avec Xavier Bertrand, son homologue en charge du travail et de l'emploi, veut réduire de moitié l'immigration professionnelle. Après avoir dirigé une attaque en règle contre l'immigration légale en avril dernier, en affirmant vouloir réduire le nombre d'étrangers entrant légalement en France, Guéant resserre davantage le verrou à la venue des travailleurs immigrés. Le quotidien français Le Figaro (proche de la droite) a révélé hier que le ministre a réuni à huis clos tous les préfets pour fixer de nouvelles conditions et le «niveau auquel doit être ramenée l'immigration légale en France», relate ce journal. «Nous devons collectivement tendre vers une réduction de moitié des cartes de salariés», a dit le ministre, précisant que «l'objectif du gouvernement français est de réduire, sur l'année qui vient, le flux d'immigration légale à 20.000 titres de séjours». Dans une circulaire rendue publique par ce journal, les deux ministres français expliquent qu'il faille privilégier plutôt «une approche qualitative et sélective». Les deux ministres précisent toutefois que «la priorité doit être donnée à l'insertion professionnelle des demandeurs d'emploi aujourd'hui présents, qu'ils soient de nationalité française ou étrangère, résidant régulièrement en France». Pour ce faire, les deux ministres français exhortent les préfets à étudier avec «la plus grande rigueur» les conditions de délivrance des autorisations de travail. Ils demandent aux préfets d'«écarter les demandes d'autorisation de travail présentées par des employeurs qui ont méconnu la législation relative au travail et à la protection sociale». L'autorisation de séjourner au titre de travailleur sera refusée au cas où «l'employeur n'aura pas procédé à une recherche effective dans le bassin d'emploi concerné pour satisfaire son offre d'emploi». Les deux ministres qui prônent «une approche qualitative et sélective», rendent draconiennes les conditions pour obtenir un laissez-passer. Mais certaines conditions sont floues: un employeur qui formule une demande d'autorisation de travail pour un salarié étranger doit-il présenter «les garanties nécessaires pour recruter et accueillir». Pourtant, selon la loi française, accueillir un étranger en France fait déjà l'objet de maintes conditions, dont celle de démontrer que le salarié recruté n'a pas pu être déniché parmi les demandeurs d'emploi existant en France. De plus, toutes les demandes sont soumises à l'appréciation des préfets. Le 22 mai dernier, Claude Guéant avait déclaré qu'«il est inexact que la France a besoin de talents, de compétences» issues de l'immigration. «La France n'a pas besoin de maçons, de serveurs de restaurant» étrangers, avait-il également affirmé. La France dont 8,4% de la population active est constituée de travailleurs immigrés, a signé plusieurs accords bilatéraux avec certains pays en matière d'immigration. La France a signé ces accords notamment avec la Tunisie et le Sénégal au moment même où Guéant était secrétaire général de l'Elysée ou directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur. L'accord avec la Tunisie signé en 2008 prévoit que la France permette l'arrivée de 9000 Tunisiens par an dont 3500 salariés. Une liste de 77 métiers a été annexée à cet accord. Et sur cette liste, figure les métiers de serveur et cuisinier. Quant aux Algériens, ils sont soumis depuis 1968 à un accord migratoire spécifique découlant de l'histoire coloniale. Il prévoit notamment l'octroi de plein droit d'un certificat de résidence de 10 ans après un an de mariage avec un Français contre trois ans (et sans délivrance automatique) pour les autres immigrés. En revanche, les Algériens venant pour des motifs économiques ne bénéficient d'aucune liste des métiers librement ouverts. La renégociation de cet accord de 1968 est sur la table depuis 2009. Déjà trois avenants à cet accord ont été paraphés pour le rapprocher du droit commun français dont le dernier a été signé en 2001. Les modifications de cet accord devraient se poursuivre et toucher les règles sur l'immigration économique. «C'est un chantier extrêmement complexe, ultrasensible, et qui risque de prendre plusieurs années», a récemment avoué un responsable français cité par un magazine français. «Le vrai enjeu des migrations se passe à l'abri des regards. A croire que la politique de Guéant et Sarkozy se fait en atelier clandestin», commente ce magazine.