Point de repos pour les « pêcheurs ». La période de repos biologique, fixée chaque année du 1er mai au 31 août pour la préservation des ressources halieutiques, ne semble aucunement respectée par certains pêcheurs. Preuve en est que des poissons de petit gabarit, non autorisés à la pêche, sont commercialisés en toute impunité dans les marchés de la ville. Dans une cité AADL située à Oran-Est, un vendeur à la criée propose la sardine à un prix bon marché de 200 dinars le kilo ! « Le poisson du pauvre à 200 dinars ! Venez manger la sardine, la bonne sardine, le prix et la qualité ». Le jeune vendeur use de tous les qualificatifs pour interpeller la clientèle. Les acheteurs ne se bousculent pas. La raison en est le petit gabarit de cette sardine qui décourage plus d'un. « H'ram ! Ce poisson de petit gabarit est interdit à la pêche », s'exclame cet homme, un fin connaisseur de la mer. Une ménagère, qui a été attirée par cette offre alléchante, se dirige à pas pressés vers le vendeur. Dès qu'elle voit la qualité du poisson proposé à la vente, une grimace hideuse se dessine sur son visage. « On ne peut rien faire avec ce petit poisson ! », lance-t-elle. Le vendeur, un peu désemparé, rétorque : « Ce n'est pas moi qui l'ai pêché. Vous savez, madame, le prix de la vraie sardine est à partir de 500 dinars ». D'autres acheteurs potentiels sont repoussés par la qualité de ce poisson. Un comportement qui ne semble pas démoraliser le jeune vendeur. « Je trouverai toujours preneur à mon poisson », soutient-il, tout en continuant son chemin entre les bâtiments de cette cité. Il existe, en effet, de nombreux nostalgiques de la sardine grillée et arrosée de citron qui ne verront pas d'un mauvais œil cette petite sardine. Et la pérennité de la ressource halieutique dans toute cette histoire ? La période de repos biologique a été décrétée par les services concernés non pour punir les pêcheurs, mais tout simplement pour assurer la reproduction des espèces menacées dans notre littoral, à l'exemple de la sardine. Par cette interdiction, il s'agit de préserver les ressources halieutiques qui, durant cette période, se rapprochent des côtes pour se reproduire. Cependant, de nombreux pêcheurs ne s'embarrassent pas de la réglementation, puisqu'en 2011 une vingtaine de PV liés à l'activité de la pêche ont été dressés par les gardes-côtes, dont 8 concernent l'infraction de pêche dans une zone interdite, et un (1) seul PV concernant le constat de pêche de poissons de taille non marchande ! Des chiffres qui ne reflètent pas la réalité des pratiques répressives sur les côtes de la région. Le secteur de la pêche reste gangrené à Oran : pêche à la dynamite, utilisation de filets non conformes, vente informelle de poisson, parfois en pleine mer, circuit commercial détenu par des mandataires qui imposent leur loi, leurs prix autour des marchés à la criée dans les ports, etc. Conséquence de ce tohu-bohu : des espèces de poissons qui étaient largement disponibles sur nos côtes sont menacées d'extinction. Certains professionnels avertissent que le prix de la sardine, la vraie, bien sûr, pourrait s'approcher, dans les prochains mois, de la barre symbolique des 1.000 dinars le kilo ! Seule consolation pour le petit peuple est que sa préférée a réussi, en un laps de temps réduit, son ascension sociale pour passer du poisson du pauvre à celui des nababs.