Jusqu'à présent, le message du pouvoir était « circulez, y a rien à attendre». ésormais, il peut être décliné par «mais faites-nous donc confiance !». C'est l'esprit du long communiqué du Conseil des ministres de dimanche annonçant des projets de lois, dont celui du système électoral qui énonce des garanties pour un scrutin honnête et régulier. Il y a presque du progrès dans ce communiqué. «Presque» seulement, car le discours direct et subliminal du pouvoir persiste à présenter l'Algérie comme une démocratie déjà installée mais qui serait uniquement à parfaire. Dans une telle optique, le mot «changement», celui qui agite le monde arabe actuellement, est à bannir. En Algérie, on sait désormais que dans le discours du système, le mot «réforme» s'oppose clairement à la notion de changement. Quand on est en démocratie, on ne change pas de régime, on essaie de l'améliorer. «J'espère que tout cela mettra fin au doute sur la transparence des prochaines élections ou sur la possibilité d'une alternance au pouvoir par la voie des urnes, chaque fois que le peuple souverain le décidera», a dit le président de la République. La boucle du discours officiel est ainsi bouclée. Il n'est pas question de fouiller ou de mettre à jour les pratiques qui ont prévalu jusqu'alors dans ce pays en marge des constitutions et des lois. Pourtant, dans cette phrase présidentielle, il y a un énoncé implicite, celui du grand manque de confiance des Algériens et des acteurs à l'égard du jeu politique organisé dans le cadre du régime. C'est ce manque de confiance qui fait que personne - pas même les dirigeants des partis du pouvoir quand ils sont pris de crise de sincérité - ne croit qu'il existe une alternance en Algérie, ni même une possibilité d'alternance. Pourquoi le pouvoir refuse-t-il, ainsi que le demandent des acteurs politiques, d'engager le débat sur les voies et moyens d'un changement ordonné et concerté du régime ? On a deux explications possibles. La plus pessimiste serait que les tenants du système veulent garder la main et préserver ces vieilles pratiques et la capacité d'agir en dehors des institutions et des lois afin de mettre la réalité politique en conformité avec leurs souhaits. C'est une possibilité car, si le régime fait face à une contestation sociale importante, il ne rencontre pas encore une montée des contestations politiques. La jonction entre les deux ne s'est pas encore faite et on peut penser que le régime fera tout pour la retarder La seconde explication, à peine plus optimiste, est que le régime ne veut pas ouvrir un débat sur son fonctionnement passé mais qu'il veut changer de mode de fonctionnement. Bref, toutes ces pratiques de derrière le rideau, qui permettent de caporaliser les partis, de brider les journaux et, in fine, d'empêcher toute alternance politique, vont disparaître sans qu'on en discute. C'est un peu le sens du message «faites-nous confiance». Le problème est que depuis la révolution tunisienne qui a rendu «obligatoire» un discours de réforme, on ne constate pas de signes que l'on est en train de mettre fin à ces fameuses pratiques. Il est toujours difficile, voire impossible d'organiser une manifestation même hors d'Alger. Les médias audiovisuels, après une tentative un peu forcée d'ouverture, ont repris le train-train. Le «dialogue politique» encadré dans la commission Bensalah a été mené comme une formalité administrative Comment dès lors croire qu'on est en train de changer sans le dire ? On annonce que la constitution sera adoptée par le futur parlement. On semble admettre que l'actuel parlement n'est pas bien élu pour le faire. Mais le prochain parlement ne le sera pas non plus si «l'ouverture politique» doit attendre le temps de la campagne électorale pour ce faire. Un processus électoral sérieux ne dure pas deux semaines. Il n'est qu'un moment d'une vie politique fondée sur une compétition libre et organisée qui permet à ceux qui ont des idées et des programmes de les défendre et de le faire dans des conditions d'égalité et d'équité. On n'en voit pas les signes avant-coureurs. C'est le moins que l'on puisse dire dans une configuration où la «réforme» se présente comme un moyen d'éviter un changement inévitable