La vague de violences qui avait menacé d'emporter l'Algérie en janvier dernier a été candidement attribuée à un déséquilibre du marché des produits de large consommation. Ces émeutes, officiellement à cause d'une hausse démentielle des prix des produits de large consommation, et bien sûr soutenus par l'Etat, seraient donc le produit de quelques appétits féroces de commerçants véreux. Mais aussi à l'extrême anarchie qui prévaut, jusqu'à présent, sur le marché algérien de l'ensemble des produits agroalimentaires. Le constat de la commission d'enquête parlementaire, mise en place pour 'débusquer'' les causes de ces incidents qui ont fait au moins trois morts, est sibyllin. Sans désigner directement les causes réelles de cette désorganisation du secteur commercial algérien, la commission pointe du doigt les dérégulations du marché, et introduit une nouveauté, pour le travail traditionnel demandé jusqu'à présent à une commission parlementaire désignée par le boss de l'APN. Sans trop foncer tête baissée dans une critique qui serait malvenue de la part d'une commission tout ce qu'il y a d'officielle, elle a lancé un pavé dans la mare en estimant que la politique de soutien des prix de large consommation doit être revue. En clair, la commission présidée par M. Kamel Rezki suggère une refonte du système de subvention des prix. Selon lui, dès lors que la subvention des prix de certains produits de large consommation (huile, sucre, blé et lait) profite à tous (nationaux ou étrangers), elle constitue donc «une lourde charge pour le Trésor public». Sa proposition pour que cette aide de l'Etat 'profite directement aux catégories sociales à faible revenu et nécessiteuses», est en quelque sorte un appel du pied au gouvernement pour une révision des mécanismes régissant le soutien des prix de l'huile, du sucre ou du lait. Le coût du soutien des prix en 2011 est un peu plus de 170 milliards de dinars, soit un peu plus de 2 milliards de dollars sur la base d'une parité à 75 dinars pour un dollar. Le poids est ainsi énorme pour le Trésor public, et le déficit budgétaire pour 2011 devrait tourner autour de 33,9% du PIB, selon la loi de finances complémentaire (LFC 2011), et ramené à 10% en dehors justement de la facture de soutien des prix des produits administrés. Question: à qui profite l'aide de l'Etat dans le soutien des prix des produits de large consommation (lait, huile, sucre, semoule), l'eau ou l'électricité et le gaz ? Au citoyen avec un salaire de moins de 20.000 dinars ou à celui qui ne sait pas à combien s'élève sa fortune? Aux cadres de l'Etat dont les salaires dépassent les 100.00 dinars ou aux retraités qui attendent une revalorisation de leur pension à la prochaine tripartite ? Assurément, le soutien des prix est un piège, une arme à double tranchant, car tout le monde en effet en profite. Riches ou pauvres. Ce qui est intéressant de savoir, c'est justement quelle solution le gouvernement envisage de prendre, si jamais il y pense, pour que les aides de l'Etat aux couches défavorisées ne soient pas vampirisées, sinon détournées par ceux qui changent de voiture et de maison plus vite qu'un mécanicien de la SNVI de Rouiba. Le débat mérite d'être posé, calmement, sans passion, pour que l'argent que réserve l'Etat aux pauvres et aux nécessiteux ne soit pas une autre source de richesse pour d'autres couches sociales. Et que les choses soient dites simplement, sans artifices, sincèrement.