Le combat des enseignants de l'Education nationale pour plus de reconnaissance de la noblesse de leur mission sociale et une rétribution adéquate leur permettant de l'exercer dans la dignité, a toujours bénéficié de la compréhension générale et de sympathie même quand il a donné lieu à des mouvements de grève qui ont paralysé le secteur à plusieurs reprises et sur de longues durées. Les augmentations de salaires que leur combativité et leur persévérance leur ont permis d'arracher aux autorités ont été accueillies avec satisfaction par l'opinion publique. Certes, les revalorisations de salaires dont les enseignants ont bénéficié ne règlent pas tous leurs problèmes et ne mettent pas fin aux frustrations accumulées par la corporation du fait des incohérences des politiques menées dans le secteur de l'Education nationale. Mais les citoyens en général et les parents d'élèves en particulier sont en droit d'attendre d'eux, après la satisfaction de leurs revendications salariales, qu'ils prennent en compte désormais l'intérêt des écoliers et lycéens. Intérêt qui est que la paralysie des établissements scolaires se fasse moins récurrente et la perturbation du cycle scolaire moins systématique Il n'est pas certain que la grève illimitée déclenchée hier par cinq ou six syndicats autonomes de l'Education nationale provoque cette fois encore l'élan de compréhension et de sympathie parmi les citoyens qui avaient accompagné leurs précédents mouvements de revendication. Ces syndicats doivent prendre garde à ne pas succomber à la surenchère et avoir raison gardé sur la nature des revendications qu'elles donnent pour raison à la reprise de la contestation dans le secteur de l'Education nationale. Ce serait donner du crédit à l'administration de ce département qui a jugé, par le biais d'un communiqué, que «rien ne justifie leur maintien de l'appel à la grève». Il ne faut surtout pas que ces syndicats donnent l'impression que du combat social ils sont en train de passer à celui de la confrontation politique. Le Pouvoir leur a fait des concessions, ils n'ont pas tort de maintenir la pression pour en obtenir plus. Maintenant qu'aux yeux de l'opinion publique, les enseignants ont obtenu de substantielles revalorisations salariales, de nouvelles grèves paralysantes dans le secteur de l'Education nationale passeront moins bien néanmoins au sein de cette opinion, car la justesse et la pertinence de ce qui les motive ne sont pas bien perçues par bon nombre de citoyens. D'autant que le ministère ne s'est pas fait faute de rappeler ce que les pouvoirs publics ont octroyé à cette catégorie professionnelle et d'enfoncer le clou en insinuant que si toutes les revendications exprimées par les syndicats n'ont pas eu toute satisfaction, cela est dû à l'absence de consensus entre eux. Aux syndicats autonomes donc de poursuivre leur pression sur l'administration du département, sans pour autant laisser s'imposer l'opinion qu'ils font des écoliers et lycéens les otages et les victimes de leur bras de fer avec l'administration. Et que surtout le bras de fer n'ait pas de visées à caractère politique. Le soupçon que la fronde sociale qui a repris dans l'Education nationale ait une coloration politique peut ruiner rapidement le crédit et la sympathie que les syndicats autonomes ont engrangés en leurs années de lutte pour la reconnaissance des droits du corps enseignant.