Depuis l'annonce de l'interdiction d'importation de la friperie devant prendre effet à partir de janvier 2012, les commerçants légaux qui avaient ouvert des magasins et s'étaient spécialisés dans la «friperie de luxe» affirment qu'ils sont dans l'expectative et se disent surpris par cette mesure subite et qui n'obéit à aucune logique commerciale, vu que dans tous les pays du monde ce commerce existe. « Dans tous les cas de figure, ce commerce continuera d'exister», nous avance un commerçant, qui affirme que son grand père était déjà fripier et s'approvisionnait du port d'Oran par le biais des navires en provenance des quatre coins du monde. Déjà, à cette époque, rappelle-t-il, il y avait une clientèle qui cherchait la sensation et avait un goût particulier pour les vêtements usagés, notamment américains, qui leur rappellent leurs idoles de l'époque, car avoir un Levis Strauss était un luxe à l'époque. Un autre commerçant ajoute qu'à la même époque, non seulement la production nationale était non seulement de qualité, mais facilement abordable de par ses prix étudiés. Cette mesure, initiée pour éviter tout risque sur la santé et la production nationale, n'aura pas les effets escomptés, étant donné qu'elle va faire réveiller les réseaux dormants de contrebande qui continueront à alimenter informellement le marché national notamment à travers les frontières Est du pays. En revanche, ce seront une fois de plus les consommateurs qui seront les premiers perdants et devront payer plus cher le vêtement de «bonne occasion». Comme alternative à cette mesure initiée, selon eux, par des «bien-pensants» pour nous éviter d'être contaminés, de conserver notre dignité et de consommer local, tous les fripiers approchés estiment qu'il faut améliorer la production nationale au plan de la qualité et de pratiquer des prix accessibles, car dans le cas contraire, il sera difficile de concurrencer les produits chinois, même de bas de gamme. La réhabilitation du «Made in Algeria» passe inéluctablement par le soutien aux producteurs à travers la relance des filières de confection et de prêt-à-porter au niveau de la formation professionnelle, un secteur pouvant former des modélistes de talent. L'autre mesure qui, selon nos interlocuteurs, s'impose est de permettre le recyclage de toute cette catégorie de commerçants, dont les informels, par leur régularisation, sachant que ce secteur est créateur d'emplois. Pour rappel, l'interdiction de l'importation de la friperie a fait réagir les commerçants d'El Hamri qui n'ont pas hésité à afficher leur mécontentement quant à l'instauration d'une telle mesure. Le marché d'El Hamri fait travailler plus de 200 pères de familles et créent quotidiennement de l'emploi à des dizaines d'autres. Sur des banderoles placardées le long de l'entrée du marché sur le deuxième périphérique, les commerçants avaient demandé l'annulation pure et simple de cette mesure qui prive de nombreuses familles dans le besoin de recourir à des vêtements d'occasion. Les concernés rappellent que leur activité est réglementée, puisque tous les certificats exigés par les services sanitaires et douaniers sont présentés lors des contrôles aux frontières. En affichant leur inquiétude quant aux répercussions de cette interdiction, les commerçants du marché de la friperie appréhendent les jours qui viennent. Les autorités, pour leur part, expliquent que l'interdiction de la friperie est contenue dans la loi de finances 2012. Celle-ci a été initiée en vue d'encourager la production nationale, sachant que de nombreux opérateurs ont dénoncé la concurrence déloyale imposée par des vêtements d'occasion. Pour rappel, l'Assemblée populaire nationale (APN) a approuvé lors du vote du projet de loi de finances pour 2012, une quinzaine d'amendements proposés par la Commission des finances et du budget de cette Assemblée. Il s'agit de la reconduction de l'interdiction de l'importation de la friperie, autorisée dans le cadre de la loi de finances complémentaire 2011, sur proposition de députés voulant faire profiter le Trésor public à travers l'imposition de taxes sur l'importation de la friperie, un phénomène qui malgré son interdiction au niveau des ports était en pleine expansion sur les frontières Est du pays. C'est ainsi que la majorité des députés ont validé l'introduction, sur proposition du gouvernement cette fois-ci, d'un nouvel article (71 bis 3) qui interdit l'importation de la friperie via les ports. La Commission des finances a justifié cette démarche, dans son rapport final sur le texte de loi, notamment par le souci de la protection de la production nationale des textiles et les risques engendrés par ces vêtements utilisés sur la santé publique. Depuis l'autorisation de l'importation de la friperie il y a à peine quatre mois, des ministres, des opérateurs économiques et des syndicats ont exprimé leur mécontentement face à une telle mesure, jugée préjudiciable pour la production du textile nationale.