Le projet d'accord entre la France et l'Allemagne n'a donc pas évité une nouvelle humiliation aux pays membres de la zone Euro. Alors que l'on en était encore à déchiffrer le contenu de l'accord Sarkozy-Merkel destiné (soi-disant) à relancer la construction européenne, l'agence américaine a fait savoir qu'elle mettait les 17 pays de la zone Euro sous surveillance négative. Pire encore, la France est même menacée d'une dégradation de deux crans, ce qui l'éloignerait pour une très longue durée de la possibilité de regagner son « triple A » (AAA). En effet, il est plus facile de perdre cette note suprême que de la gagner… DEUX CONTRADICTIONS MAJEURES Cet accord franco-allemand et la réaction de S&P appellent au moins deux commentaires majeurs. Le premier est d'ordre général et peut permettre de comprendre pourquoi l'agence de notation, dans sa logique, a émis sa menace de dégrader la majorité des pays européens. A bien lire les dispositions du texte, on se rend compte qu'il est une énumération de tout ce que ni la France ni d'autres pays du continent n'ont été capables de faire au cours de ces dernières années. Ainsi, le document prévoit-il des sanctions automatiques pour les pays qui ne respectent pas la « règle d'or budgétaire », disposition qui impose de financer sans emprunt toute dépense de l'Etat (ce qui vise à réduire l'endettement et donc les déficits). Or, on sait bien que la règle d'or ne peut être respectée par les pays qui ont des économies faibles et qui ont toujours besoin de s'endetter. En réalité, l'accord franco-allemand ressemble à une liste de bonnes résolutions dont on sait très bien qu'elles ne seront jamais concrétisées. L'Europe ressemble ainsi à ces cancres qui établissent un planning de révisions ambitieux, tout en sachant qu'ils ne se mettront pas au travail… L'autre grande remarque est d'ordre structurel. Encore une fois, il semble bien que Paris et Berlin se trompent de diagnostic. Pour rassurer les marchés, les deux gouvernements insistent sur leur détermination à aller vers toujours plus d'austérité et de contrôle des dépenses publiques. Or, et sans faire de jeu de mots douteux, l'Europe ne gagnera pas du poids (sur la scène internationale) en se forçant à maigrir en permanence. En effet, le vrai enjeu pour la zone Euro n'est pas de se contraindre mais bien de gagner plus de croissance. Ce n'est que par une augmentation de l'activité qu'elle créera des emplois et qu'elle parviendra à réduire les déficits (une économie qui repart génère des revenus fiscaux et donc contribue à équilibrer son budget). En s'entêtant à ne privilégier que la voie de la baisse des dépenses publiques sans vraiment réfléchir à une stratégie de croissance, l'Europe prend là le risque d'un vrai déclin. UNE LEÇON POUR LE MAGHREB
Par ailleurs, ce qui se passe en Europe est une leçon pour les défenseurs d'un Maghreb intégré. Cela prouve que l'on ne peut bâtir d'union économique durable sans un minimum de convergence politique. La grande erreur des Européens a été de croire que le marché peut tout régler. Aujourd'hui, on sent bien que ce qui manque à l'Europe, c'est une direction politique unifiée qui aille au-delà des agendas nationaux. Des questions comme l'uniformisation fiscale (afin d'éviter que des pays n'encouragent les délocalisations en baissant leurs impôts) et la conception d'une stratégie économique méritent ainsi d'être débattues à l'échelle de l'Union et ne peuvent rester du domaine des compétences nationales. C'est le chemin que doit emprunter l'Europe. C'est celui aussi que le Maghreb unifié devra prendre un jour.