Pour expliquer la résistance du régime syrien à la révolte populaire dont il est la cible, les experts et autres analystes occidentaux ont invoqué le fait qu'il dispose du soutien d'une base sociale assez large qui, pour diverses raisons tant politique, économique qu'ethnique et religieuse, a tout à craindre et à perdre au changement que réclament les révoltés. Ce qui n'est pas faux. Pourquoi alors, s'agissant de la crise syrienne, de ses causes et de la solution pour en sortir, il n'est tenu compte en Occident que du point de vue de ceux qui en Syrie ont opté pour la contestation violente du régime ? Il y a une certitude qui s'impose dans cette crise syrienne, c'est celle que Bachar el-Assad et son régime doivent céder le pouvoir. L'immense majorité des citoyens syriens, démocratiquement consultée, s'exprimerait irrécusablement dans ce sens. Ce n'est donc pas tant cette question qui fait problème en Syrie, mais celle du comment obtenir le départ d'El-Assad et de son régime. C'est sur cette dernière question que se divise le peuple syrien et ceux qui se présentent comme fondés à parler en son nom. Deux courants agissent en son sein : l'un prônant la lutte contre ce régime par tous les moyens, y compris l'appel à l'intervention étrangère. L'autre, la poursuite de la révolte pacifique contre ce régime, mais en refusant l'intervention étrangère. Ces mêmes experts et analystes occidentaux, qui reconnaissent une base sociale non négligeable au régime d'El-Assad et avouent ainsi implicitement qu'il ne serait pas aussi isolé intérieurement qu'ils le voudraient, se sont rangés sans réserve critique aux côtés du courant de l'opposition syrienne favorable à l'intervention étrangère. Tout ce qu'ils disent ou défendent sur ce qui se passe en Syrie est l'amplification des «informations» que leur livre cette frange de l'opposition syrienne. Il se trouve pourtant que leurs sources d'information sont constituées d'expatriés syriens, pour la plupart peu représentatifs des révoltés qui bravent la répression du régime. Qu'ils se soient regroupés dans un Conseil national syrien, censé être l'animateur à distance de la révolte, n'en fait pas automatiquement des porte-parole crédibles de celle-ci et encore moins des témoins aux déclarations véridiques et donc irrécusables. Il est pourtant démontré que des forces politiques et des personnalités connues pour être des opposants sans concession à Bachar el-Assad et à son régime ont une autre appréciation de ce qui se passe en Syrie, forgée par ce qu'elles voient et entendent sur le terrain. Elles ne sont pas écoutées en Occident parce que leurs dires et arguments ne s'inscrivent pas dans le schéma préétabli par les grandes puissances concernant la crise syrienne et la méthode pour y mettre fin. Il en résulte que médiatiquement, l'opinion internationale subit une campagne d'intox qui lui présente la situation syrienne sous un angle totalement faussé, ne lui laissant entrevoir le salut du peuple syrien que sous la forme de l'intervention étrangère, occidentale plus exactement. Toute autre préconisation et approche sont donc, à l'aune de cette campagne d'intox, irrecevables et mises au compte de manœuvres tendant à sauver El-Assad et son régime. L'opération a marché dans le cas libyen, elle est éventée dans le cas de la Syrie et par la majorité du peuple de ce pays en premier lieu. D'où le problème rencontré par les Occidentaux à faire accepter le principe de l'intervention internationale.