De nombreux Algériens, sans être des économistes ou des experts, ne cachent pas leur perplexité et leur incompréhension sur le besoin qu'a le gouvernement algérien de se doter au milieu de l'année d'une loi de finances complémentaire. En principe, on y a recours de manière exceptionnelle ; elle est devenue régulière et routinière. Sa dénomination dans d'autres pays, «loi de finances corrective», renseigne clairement sur son caractère exceptionnel. Il s'agit de prendre en charge des évènements non prévus et ayant un impact budgétaire important. Le ministre des Finances, Karim Djoudi, vient de confirmer le respect de la «règle» : 2012 aura sa loi de finances complémentaire (LFC 2012 pour les présumés initiés). Son but, a-t-il expliqué, est de prendre en charge les incidences de la hausse du salaire minimum garanti (SNMG) et de la revalorisation des pensions de retraite. Il est indéniable que ces mesures ont un impact budgétaire et doivent être prises en compte. Le problème est que cette hausse du SNMG et ces revalorisations des retraites ont été décidées dans le cadre d'une tripartite tenue en mai 2011. En clair, au cours du premier semestre de l'année dernière. D'où la question élémentaire : les services du gouvernement et du ministère des Finances n'avaient-ils pas le temps d'anticiper et d'inclure ces incidences dans le cadre de la loi de finances «normale» ou «ordinaire» ? La question se pose d'autant plus qu'il est devenu clair que les lois de finances complémentaires ne répondent plus en Algérie à une situation exceptionnelle. C'est une routine. Toutes les lois de finances de ces dernières années ont été accouplées d'une loi de finances complémentaire. On en conclut que l'Algérie a besoin de deux lois de finances chaque année et n'est pas en mesure de faire ses comptes sur douze mois. Parfois, les lois de finances complémentaires sont l'occasion d'opérer des retournements de politique économique spectaculaire. Des économistes et des opérateurs soulèvent régulièrement cette question. Pour eux, ce recours répétitif à une loi de finances complémentaire traduit une fâcheuse absence de visibilité de la politique économique du pays. Et cela crée chez les opérateurs nationaux (qui doivent s'en accommoder) et étrangers (qui eux ont le loisir de s'abstenir de venir) un sentiment d'instabilité juridique dont l'Algérie a du mal à se défaire. Dans ce domaine, même si le marché est attractif, on met du temps à rétablir une réputation. Des dirigeants d'entreprises privées et des organisations patronales ont déjà dit que le recours aux lois de finances complémentaires était «excessif». En mai dernier, le chef du FCE avait relevé que ces LFC, censées être des documents techniques intervenant entre deux lois de finances normales, ont tendance à devenir des «fourre-tout» juridiques qui «permettent au gouvernement d'agir en modifiant les règles de fonctionnement économique, créant un climat d'instabilité juridique préjudiciable au monde des affaires». A l'évidence, le message, qui ne manque pas de pertinence, a du mal à passer. Les habitudes ont la vie dure.