Les prix de la pomme de terre culminent depuis le début du mois de mars à des niveaux extrêmement préoccupants pour les bas salaires comme pour la ménagère qui trouve difficilement une explication à une hausse scandaleuse. Globalement, ce tubercule est vendu dans la plupart des villes du pays entre 80 et 120 dinars, et, plus grave encore, à plus de 60 dinars le kilogramme dans les grandes régions productrices, comme Mostaganem, Mascara ou Aïn Defla. C'est un peu le remake des années 90, lorsque les spéculateurs de tous bords avaient acheté de grandes quantités de pomme de terre et les avaient stockées dans les lits d'oueds de la wilaya d'Aïn Defla, dans la fraîcheur pour éviter les moisissures. Cette fois-ci, les prix se maintiennent, depuis le mois de février, dans le sillage des intempéries de cet hiver, à des fourchettes très élevées. Les raisons sont complexes, nombreuses, et parfois contradictoires. Selon le président de la chambre de l'agriculture d'Aïn Defla, Hadj Ladjali, ''la tension sur les prix de la pomme de terre est le fait de la spéculation en cette période creuse'', marquée par la fin de la récolte d'arrière-saison et celle précédent la récolte de saison, intervenant entre la mi-avril jusqu'à mi-juin. ''Maintenant, nous sommes dans ce qu'on appelle une période creuse, avec un gros déséquilibre sur le marché avec l'absence de la primeur de Mostaganem, dont le cycle végétatif a accusé un sérieux retard du fait des intempéries de février dernier'', précise-t-il. ''Le décalage de la récolte d'un mois par rapport à la date habituelle (fin février) a provoqué une hausse des prix au point de créer des comportements spéculatifs chez certains commerçants et producteurs'', estime, par ailleurs, un responsable auprès du ministère de l'Agriculture. Selon lui, ''cette hausse persiste parce qu'on n'est pas entré complètement dans la récolte. Ce facteur a été intégré dans le prix du produit par certains producteurs qui approvisionnent le marché en petites quantités en attendant l'entrée massive de la récolte", souligne-t-il. La persistance des intempéries, accompagnées d'importantes chutes de neige, avait contraint les opérateurs publics et privés de déstocker et d'activer le système de régulation des produits agricoles de large consommation (Syrpalac) pour approvisionner le marché national pendant cette période de froid et stabiliser les prix. Mais, c'est le phénomène inverse qui s'est produit, les spéculateurs ayant en fait raflé presque toutes les quantités déstockées dans le cadre de ce système de régulation. Le président de la chambre d'agriculture d'Aïn Defla précise de son côté que ce renchérissement des prix de la pomme de terre est le fait des ''spéculateurs et certains intervenants sur ce marché très porteur, qui ont profité des aléas climatiques qui ont fait que la récolte de la production de Mostaganem soit en retard cette année''. Actuellement, ''c'est surtout la récolte d'arrière-saison qui est commercialisée, avec les premiers arrivages de la saison'', selon M. Ladjali. Quoi qu'il en soit, c'est l'ensemble de ces facteurs, combinés les uns aux autres, avec une très mauvaise gestion de cette filière, autant en amont qu'en aval, qui ont fait que la pomme de terre soit vendue presque au même prix que la ... pomme, même si parfois incriminer la spéculation s'apparente à une fuite en avant. A ce rythme, pénurie ou pas, spéculation ou pas, le prix de la pomme de terre est parti pour rester à des niveaux inquiétants, avec une moyenne de 60-70 dinars/kg, tout comme la sardine dont le prix ne descend plus maintenant au-dessous des 200 dinars/kg. En dépit de toutes les explications, de conjoncture ou non, le fait est que le marché national des produits agricoles, sinon le secteur commercial dans son ensemble, semble aller à la dérive. La grève au marché de Bougara et celle prévue à Boufarik, deux importants marchés de gros de la région centre, n'est pas pour ''refroidir'' les prix de la pomme de terre, même si, selon le ministère de l'Agriculture, une baisse des prix s'opérera au fur et à mesure de l'entrée sur le marché de la récolte, notamment celle de Mostaganem, qui devrait atteindre son pic saisonnier début mai. Hier, une quantité de 310 quintaux de pomme de terre stockés dans des hangars à des "fins spéculatives" a été saisie à Matmour et Maoussa relevant de la wilaya de Mascara par les éléments du commerce de Mascara qui étaient appuyés par les services de la gendarmerie. Une opération pilotée par le premier responsable de la direction régionale du commerce de Saïda (qui chapeaute plusieurs wilayas). C'est au cours d'une opération de contrôle que les services du commerce ont découvert cette quantité chez des agriculteurs qui l'avaient stockée dans des hangars afin de la vendre au prix de gros de 65 DA le kg pour être mise sur le marché de détail par la suite au prix de 90 voire 100 DA. "Nous avons passé toutes les chambres froides au peigne fin, mais nous n'avons rien trouvé", a expliqué le directeur régional du commerce de Saïda. Et d'ajouter que "les agriculteurs avaient opté pour les hangars afin de spéculer sur les prix". Quoique la production d'hiver soit insuffisante par rapport aux prévisions et que la demande soit importante, ces agriculteurs ont enfreint la réglementation exigeant de mettre sur le circuit cette quantité afin de satisfaire les besoins exprimés. Ainsi et en application de la loi sur la lutte contre les pratiques spéculatives, les services du commerce ont procédé à la saisie de la quantité en question. Par ailleurs et vu la forte demande et la nature du produit (la pomme de terre est périssable), celle-ci sera mise en vente après l'accord du wali de Mascara. L'enquête suit son cours.