La situation économique globale et la crise de la zone euro pèsent incontestablement sur le prix du pétrole qui a perdu un tiers de sa valeur en trois mois. La tendance pourrait s'amplifier si la discipline au sein de l'Opep n'est pas respectée par les pays du Golfe dont l'action est entièrement tendue à l'affaiblissement de l'Iran. Le repli brutal des prix constaté ces trois derniers mois a été largement amplifié par un recours excessif à la pompe des pays du Golfe et notamment de l'Arabie Saoudite. Alors que les quotas de production de l'Opep sont déjà dépassés, les Saoudiens ont tenté, sans réussir, d'imposer un relèvement des quotas. En théorie, le statu quo des quotas est préservé. Il y a cependant le risque que les Saoudiens, forts de leur position dominante, passent outre le refus des partenaires de l'Opep et pompent encore davantage. Ils ont déjà démontré par le passé que les décisions de l'Opep ne sont pas astreignantes. Dans le contexte actuel, le but politique manifeste des Saoudiens est de convaincre ceux qui, en Occident, résistent encore à l'idée d'une guerre contre l'Iran, que la question de l'approvisionnement pétrolier n'est pas un souci. Il s'agit pour l'Arabie Saoudite et les autres pays du Golfe d'apporter déjà la démonstration que l'embargo sur le brut iranien décidé par les Occidentaux ne pèsera pas sur l'approvisionnement. Et que la guerre contre l'Iran - elle n'aura pas lieu selon toute probabilité avant l'élection présidentielle américaine - peut se faire sans appréhension économique. Les Saoudiens sont d'autant plus à l'aise que leur équilibre budgétaire est garanti avec un baril à 71 dollars, selon des chiffres du FMI. Pour certains analystes, la « contribution saoudienne » à l'effort de guerre contre l'Iran consiste justement à pousser les prix vers ce niveau. Un tel seuil créera en effet de grandes difficultés à l'économie iranienne dont le prix d'équilibre se situe à 117 dollars. Mais les Iraniens ne seront pas les seuls à payer le prix de ce jeu dangereux. D'autres pays de l'Opep pourraient en faire les frais et notamment l'Algérie pour qui le prix d'équilibre se situe, toujours selon le FMI, à 105 dollars le baril. Il n'est d'ailleurs pas certain que le seuil saoudien de 71 dollars ne soit pas enfoncé par la combinaison sulfureuse d'une surproduction et d'un dérapage de la crise en Europe. En surproduisant, les Saoudiens jouent contre l'Iran mais aussi par ricochet contre les pays de l'Opep fortement dépendants pour leur budget des recettes pétrolières. Pour l'Algérie, le seuil saoudien créerait une situation grave car il faut un niveau de prix du baril plus important pour éviter le dérapage du déficit et de l'inflation. Cela est en tout cas révélateur de la grande fragilité de l'économie algérienne et de sa totale dépendance à l'égard des recettes pétrolières. Il ne faut pas oublier que la chute des prix dans le milieu des années 80 a été le début d'une longue crise en Algérie dont on n'est pas réellement sorti. On baigne, malgré les discours itératifs sur l'après-pétrole et sur l'économie hors hydrocarbures, dans un climat d'inertie et d'imprévoyance. La hausse des prix pétroliers de ces dernières années et les coûts élevés de la production des pétrole et gaz de schiste peuvent donner l'illusion d'une certaine protection. Ce serait une grave erreur.