Salah Hioun, un des peintres algériens les plus cotés, directeur du Musée de surcroît, expose depuis le 5 Juillet au Musée d'Ahmed Zabana dans le cadre des festivités commémoratives du 50ème anniversaire de la fête d'Indépendance. Le vernissage de son exposition qui durera jusqu'au 31 de ce mois a été des plus modestes, au point où on se pose légitimement la question sur ce vernissage. Deux peintres, un galeriste, un journaliste et deux employés du Musée ont assisté à cette cérémonie. Dans ce cas, peut-on en bonne logique reprocher au grand public sa désertion ? La directrice a délégué la mission de présider au vernissage à une animatrice culturelle. Prenant les choses avec philosophie, parce qu'il a dû acquérir une carapace face à ce genre de mésaventure, notre peintre n'a pas fait cas de ce manque de considération flagrant. «Ma présence à Oran m'a permis par ailleurs de revoir cette ville que j'adore et surtout de rencontrer mes amis» se contente-t-il de répliquer. Il précisera qu'il a ramené une centaine de toiles parce que la grande salle du musée lui devait être consacrée. Finalement, la direction n'a retenu que 33 toiles de ce lot, qui, quand même reflète une rétrospection de l'œuvre de Hioun. En effet, le simple parcours de cette exposition confirme cette assertion. On y relève des toiles remontant à 1978 telles que «Crépuscules sur la ville 1» et «Crépuscules sur la ville 2» et des portraits de femmes et hommes célèbres de la Révolution, confectionnés tout récemment à la va-vite. L'avantage de cette rétrospective permet de cerner l'évolution, notamment sur le plan technique, de l'œuvre de Hioun. Après l'engouement pour le graphisme, Si Salah est passé à la technique mixte, alliant la toile au collage. D'ailleurs, la plupart des tableaux exposés répondent de cette technique. Certaines obligent le visiteur à s'y attarder. C'est notamment le cas de la toile «Ivresse» ou l'espèce d'une ombre d'une femme qui couvre d'autres ombres, plus réduites, et exprimant des sentiments n'ayant aucune homogénéité entre elles. Une autre toile attire l'attention par son caractère sombre, quoiqu'elle soit en couleur : «cryptogrammes». La lecture des bouts de journaux incorporés par le collage nous renseigne qu'elle illustre la période terroriste. En scrutant d'avantage les «personnages» de cette toile, on peut aisément déceler des femmes, dont la posture exprime le désarroi. Ce qui nous autorise que l'évolution du peintre, aussi bien sur le plan technique que thématique, reste tributaire de son vécu et de celui de son environnement. Dans ce sens, précisons qu'ami Salah, comme se plaisent à l'appeler ses amis d'Oran, mène, partout où il se trouve, une vie des plus ordinaires. Par ailleurs, son regard de peintre semble être prisonnier des femmes et de leur beauté. La gente féminine peuple la majorité pour ne pas dire la totalité de ses toiles. «La cherchelloise» illustre très bien cette volonté d'esthétisation du regard et du visage féminin. Quoique ce tableau peut se prêter à une lecture, celle d'un hommage à la localité où Hioun exerce actuellement. Hommage qui ne peut qu'établir les ponts avec la beauté des femmes... de chez nous.