Lancé depuis plus de quatre ans, le traditionnel cycle des auditions auquel le chef de l'Etat soumet les ministres du gouvernement pendant le mois de Ramadhan, a d'abord été bien perçu par l'opinion publique. Elle y a vu l'expression d'une méthode de gouvernance faisant du suivi et du contrôle de l'action gouvernementale rendue indispensable par le foisonnement de chantiers induits par l'ambitieux programme de développement voulu par Bouteflika. D'autant plus indispensable qu'il était apparu au lancement de ce programme des dysfonctionnements qui ont eu pour effet d'occasionner des retards dans les études de faisabilité de nombreux projets, d'inexplicables surévaluations des enveloppes financières pour d'autres, et parfois des conflits d'autorité concernant leur mise en œuvre et son suivi. Il apparaissait donc judicieux que le président, concerné au premier chef par la bonne prise en charge de son programme, s'inquiète non seulement cycliquement de l'avancement des projets et chantiers, mais jauge et sanctionne les bilans sectoriels et donc la façon de servir des ministres sous l'autorité desquels a été placée la mise en œuvre de son programme. Les années se succédant, l'on a eu à constater que les auditions n'ont en rien contribué à la mise en place d'une gouvernance efficiente et rigoureuse. Des secteurs ont accumulé de graves retards, voire même enregistré des scandales offusquants liés à la mauvaise gestion des budgets dont ils sont dotés sans que les auditions des ministres concernés aient donné lieu à leur réprimande sinon à sanction contre eux. Au grand désappointement de l'opinion publique qui a fini par ne voir dans le cycle des auditions qu'un «show» destiné à créer l'illusion que l'action gouvernementale est sous contrôle. Elle a été d'autant fondée à se convaincre qu'il en est ainsi quand Bouteflika avait publiquement et en plusieurs circonstances tancé des ministres en les accusant de mentir sur la réalité de l'avancement de certains chantiers qu'ils supervisent sans pour autant sévir à leur encontre. La mauvaise gestion de ces ministres a au contraire été ignorée au cours des auditions auxquelles ils ont été soumis, n'ayant été qu'interpellés pour «remédier aux insuffisances» dont leurs secteurs font preuve. Les auditions de ce mois de Ramadhan ne dérogeront pas à la politique spectacle sans impact sur la réalité du terrain. Les rapports présentés au chef de l'Etat établissent des bilans fardés dont Bouteflika chargera ses proches collaborateurs d'en faire une présentation qui ici ou là prendra la forme d'une rectification aux apparences d'avoir un lien avec cette réalité du terrain dont les citoyens n'ignorent rien. Au final, plus personne n'est dupe de ce mécanisme de contrôle et de suivi que sont les auditions présidentielles. Les communiqués officiels qui en résultent tombent de ce fait à plat auprès d'une opinion citoyenne qui les «zappe» systématiquement.